J’ouvre cette nouvelle entrevue sur l’anxiété de séparation avec Claudine Prud’homme, une spécialiste dans le domaine. Je vous présente aussi Lola, la petite chienne de Claudine qui nous accompagne.
Début : Je suis très enthousiasmée de recevoir Claudine, je la remercie d’abord de m’accorder cette entrevue, dans laquelle nous allons démystifier les idées reçues sur l’anxiété de séparation.
Avant toute chose, je demande à Claudine, qui est éducatrice canine, comment elle en est venue à être spécialiste en anxiété de séparation.
1:25 : Claudine me répond que ce fut un long/pas trop long cheminement…c’est-à-dire long dans le sens où elle a fait beaucoup d’études pour arriver à être éducatrice canine, mais qu’elle n’a pas suivi le parcours habituel pour arriver où elle en est aujourd’hui. Elle n’avait pas d’expérience avec les chiens avant de rentrer à l’Academy for dog trainers, qui est l’école de Jean Donaldson, là où elle a étudié deux années complètes.
Malgré la difficulté de ces deux années de formation, au cours desquelles elle a cru abandonner plusieurs fois, elle parvient à sortir de l’école haut la main. Elle ajoute qu’à l’époque, elle faisait également beaucoup de bénévolat à la SPCA de Montréal et que l’anxiété de séparation est un symptôme que l’on retrouve beaucoup dans les refuges, car les chiens vont souvent y entrer au refuge ou y être abandonnés à cause de ce problème. Elle affirme que les chiens qui vont détruire, qui vont hurler et même plus, sont une cause fréquente d’abandon en refuge, et qu’il est très difficile de faire adopter ces chiens-là, parce qu’on doit mettre tout de suite les critères en place pour aider la famille adoptive.
J’ajoute qu’évidemment, la famille doit être au courant du genre de chien qu’elle adopte. Je demande à Claudine si les chiens à la SPCA n’auraient pas aussi tendance à développer de l’anxiété de séparation justement parce qu’ils ont été abandonnés.
Elle me répond que oui, ces chiens pourraient tout à fait développer cela, que c’est en effet un très gros déclencheur.
3:05 : Elle continue à nous parler de son parcours. Étant donné qu’elle était entraîneuse canine et qu’elle était donc exposée à ce type d’anxiété à la SPCA, elle a décidé de prendre le cours de Malena DeMartini qui est, en Amérique du Nord, LA spécialiste en entraînement en anxiété de séparation.
Claudine est la « grand-maman » de cette école au Québec. Elle nous dit que personne avant elle n’avait fait le cours de Jean Donaldson et qu’il y eut un grand émoi au niveau de la clientèle lorsqu’elle a finalement gradué. Par la suite, lorsqu’elle a suivi la formation avec Malena DeMartini, elle était aussi la première de cette école à en sortir.
Elle explique que lorsque les entraîneurs canins, les vétérinaires, et les autres personnes ont commencé à savoir qu’elle avait suivi cette formation-là, ils ont commencé à lui envoyer beaucoup de clients, étant donné qu’il y a peu d’entraîneurs sur le marché qui pratiquent cette spécialité. Elle ajoute que cela demande énormément de travail émotif, tant avec le chien qu’avec le client.
4:18 : Elle raconte que, lorsqu’elle a commencé à recevoir des clients, ils étaient beaucoup trop nombreux et qu’elle n’avait plus aucun temps libre, puisqu’elle était la seule avec cette spécialité. Elle n’avait personne à référer à cette époque pour traiter l’anxiété de séparation. À présent, dit-elle, les personnes qui la consultent pour ce genre de problème représentent 95 % de sa clientèle. Elle précise ensuite que ce que l’on appelle communément « anxiété de séparation » est souvent autre chose dans la plupart des cas. Je lui dis que c’est justement ce dont j’avais envie de parler dans cette entrevue.
4:55 : Je lui demande : « Qu’est-ce que l’anxiété de séparation ? » (La GRANDE question…) Elle me répond qu’on ne le sait pas réellement. Elle explique qu’il y a peu de recherches sur le sujet étant donné la complexité du contexte en jeu.
5:11 : Claudine nous parle de ce qui semble ressortir le plus chez les chiens pour définir l’anxiété de séparation : premièrement, cela a à voir avec la peur d’être seul. C’est une peur qui s’approche de la phobie. Elle nous dit que l’on commence à penser qu’il s’agirait de troubles phobiques, de troubles anxieux. Tout cela n’est pas très clair encore et les hypothèses varient selon les recherches. Par contre, on sait sans aucun doute que c’est un animal qui a excessivement peur d’être seul.
5:36 : Claudine poursuit au sujet de l’anxiété de séparation clinique : cela correspond à un animal, ou une personne, ou un humain, qui est incapable de se distancier d’une personne, donc d’un ou d’une seule propriétaire. Dans le cas des chiens, c’est celui qui ne veut absolument pas que maman s’en aille, même si papa est là, même si tout le monde est là.
5:59 : Je précise en demandant : « C’est une seule personne ? » Claudine rétorque que oui, c’est une personne en particulier, ou un petit groupe de personnes spécifiques, qui fait en sorte que si ces personnes ne sont pas là, le chien est en panique. Ce sont seulement les vétérinaires qui sont formés pour diagnostiquer ce problème.
Claudine affirme que la véritable anxiété de séparation, c’est plutôt rare. Normalement, ce qu’on va voir chez le chien, est davantage ce que l’on appelle de la détresse d’isolement, c’est la panique dès qu’il se retrouve seul. C’est surtout ce genre de cas que l’on voit en entraînement, et elle précise que cette forme de détresse est beaucoup plus facile à travailler pour le client, parce qu’alors il y a beaucoup plus de ressources. J’ajoute que le client finit par comprendre vraiment ce qui se passe.
7:40 : Claudine enchaîne en expliquant qu’il manque de recherches sur le sujet, mais qu’il y aurait de fortes chances que la détresse d’isolement soit génétique et qu’il y aurait besoin d’un déclencheur. Le fait d’être dans un refuge peut en être un. Normalement, ce qui sert de déclencheur va vraiment correspondre à tout ce qui est un gros changement dans l’environnement de l’animal. Lola, la chienne de Claudine, a commencé à faire de la détresse d’isolement quand son autre chienne est décédée. Lola était toujours avec son autre chienne. Lorsque sa labrador est décédée, ç’a donc été très anxiogène pour Lola.
Je précise que Lola vient d’une ferme de fourrure et que c’est une rescapée… Claudine acquiesce qu’en effet, c’est une grande traumatisée de la vie.
Claudine poursuit en disant que de ce qu’on en sait, la détresse d’isolement serait génétique, que l’on aurait besoin d’un déclencheur, et quand on parle de déclencheur, souvent, ça va être un déménagement. Puisque Claudine est en plein déménagement présentement, c’est ce qui explique pourquoi sa chienne a un peu plus l’air « paquet de nerfs ». Le déclencheur peut donc être un déménagement, un divorce, un décès, ou encore un ajout dans la vie du chien, par exemple, un nouveau copain, un nouveau chien. N’importe quoi qui est vraiment important au niveau du changement d’environnement va servir de déclencheur pour ce genre de détresse-là.
9:05 : Je relance Claudine sur les mythes liés à l’anxiété de séparation. Je lui dis que j’aimerais qu’on fasse des distinctions, car il y a des gens qui pensent que leur chien vit cette anxiété, alors qu’en fait, ce n’est pas vraiment ça. J’ajoute que parfois, je vois des clients qui croient que leur chien souffre de ce problème, alors que je vois que celui-ci est tout simplement fâché qu’ils s’en aillent. Claudine réplique qu’elle ne pourrait pas dire si le chien est fâché, car elle ne le sait pas, elle n’est pas dans sa tête. J’acquiesce : on ne le sait pas, c’est vrai.
Beaucoup de gens contactent Claudine pour faire une première rencontre initiale, qu’elle donne gratuitement, pour savoir si le chien est un cas d’anxiété de séparation ou non, car souvent ce n’en est pas.
10:01 : Elle dit que ce qui ressort le plus jusqu’à maintenant dans ses consultations est, par exemple : un chien adolescent qui a un manque d’enrichissement ; les chiens qui font les comptoirs ou qui s’amusent à manger les sofas vont souvent être considérés faire de l’anxiété de séparation, mais en fait, ils manquent d’activité. Les entraîneurs de son école et elle-même, pour être capable de différencier le vrai du faux, cherchent des signes, qu’elle appelle des drapeaux rouges [red flags] : parfois certains comportements vont sembler être la même chose que de l’anxiété de séparation, mais véritablement, ce n’en est pas.
Par exemple, poursuit Claudine, le grand destructeur, celui qui détruit toute la maison, s’il fait de l’anxiété de séparation, c’est rare qu’il mange seulement le sofa, ou qu’il monte sur le comptoir parce qu’il veut manger du pain ; normalement, ce sera plutôt un chien en manque d’enrichissement qui fait ça.
11:00 : Claudine explique que celui qui détruit parce qu’il panique (parce que c’est ça qu’il faut garder en tête), va vouloir détruire les points de sortie, donc les portes, ou essayer de sortir de la cage, au point de probablement se blesser. Elle précise que celui qui s’emmerde, il n’est pas si fou que ça, normalement il ne se casse pas les dents. Le chien qui panique, par contre, parce qu’il souffre, va se blesser.
11:28 : Claudine nous dit qu’un animal qui est en détresse et qui panique passe par tout un spectre de comportements : il y a celui qui se casse la dent, et il y a celui qui essaie de passer à travers la fenêtre.
11:55 : Elle me dit qu’elle voit beaucoup le problème des cages non-entraînées et ça, elle trouve ça triste. Les cages, c’est pratique, mais ça devrait être entraîné, et souvent, dans le cas d’un chiot, ça ne l’est pas. Elle donne comme exemple la madame qui a un chiot de trois mois. Le chiot vient d’arriver à la maison, la dame a passé les deux premières semaines avec lui, puis après ça, elle part travailler huit heures et le met dans la cage. J’ajoute qu’elle n’a pas préparé le chien. Claudine explique que le chien pleure, urine, et la dame pense que c’est de l’anxiété de séparation. La cage avec l’anxiété de séparation, c’est très comorbide. Je dis que le chien va en effet faire une association que la cage c’est horrible.
12:35 : Claudine dit que, chiot ou pas, c’est très rare qu’elle fasse de l’entraînement d’anxiété de séparation avec une cage. D’habitude, elle laisse les chiens libres, car la cage rajoute un stresseur de plus. Elle dit que si le chien n’est pas bien dans la cage, et qu’en plus, il n’est pas bien quand on part, c’est plus facile pour elle et son équipe de l’entraîner s’il n’est pas en cage.
Claudine résume en disant que le chien adolescent en manque d’enrichissement et la cage sont les deux problèmes qui ressortent le plus.
13:30 : Un autre problème, c’est de se tromper dans les signaux donnés par le chien. Est-ce qu’il hurle ou jappe parce qu’il est sensible au bruit ? Ce n’est pas la même chose, et ce ne serait pas nécessairement le même entraînement que pour l’anxiété de séparation.
Ou bien est-ce que le chien hurle ou jappe parce qu’il est en détresse, ou encore parce qu’il veut de l’attention, en pensant qu’ainsi, son propriétaire va revenir, parce que ça lui tente qu’il revienne ? J’ajoute que des fois, en tant que propriétaire de chien, on revient vers lui, donc il est auto-renforcé… Claudine répond en riant que oui, si le chien n’est pas en panique et que l’on revient, il va apprendre que ça marche. Par contre, il est important de souligner que s’il est en panique, oui, il faut revenir, car il ne pourra pas apprendre qu’à un moment donné, le propriétaire revient.
Claudine et moi sommes d’accord sur le fait qu’un chien en panique ne peut rien apprendre. Cela fait partie des mythes que l’on entretient par rapport à nos chiens. Je demande à Claudine de me décrire un peu comment se passent les premières étapes d’une consultation avec elle. Elle répond que normalement, elle donne un questionnaire à remplir, et grâce à celui-ci il y a plusieurs choses qu’elle est déjà capable d’identifier chez le chien. Par la suite, elle établit gratuitement un premier contact avec le client durant environ une demi-heure par vidéo-conférence, car elle aime bien avoir les gens face à elle quand elle leur parle.
14:50 : Je demande à Claudine si elle souhaite avoir des vidéos du chien avant la rencontre. Elle me répond que oui, si c’est possible d’avoir les vidéos tant mieux, sinon elle va observer le chien en direct lorsque la personne s’en va. Étant donné que nous sommes dans les exemples, j’invite Claudine à nous parler des mythes qui font que les gens pensent que certaines actions créent de l’anxiété de séparation. Je dis d’écouter attentivement Claudine, car elle va peut-être faire changer certaines de nos croyances sur le sujet !
15:35 : Elle répond qu’il existe beaucoup de mythes et qu’en fait, c’est un peu triste, parce que si le chien présente de l’anxiété de séparation, c’est souvent ce genre d’entraînement ou de façon de faire qui va rendre la chose pire. Elle insiste sur le fait qu’un des gros mythes que l’on entend en lien avec l’anxiété de séparation est, par exemple : « Le chien doit apprendre à être indépendant » ou « Il doit être détaché de… », ce qui amène à des actions comme « on ne veut plus que le chien dorme dans le lit », « on doit complètement ignorer le chien lorsqu’on rentre dans la maison », etc. Elle rappelle que si l’anxiété de séparation est un trouble anxieux ou une peur irrationnelle chez le chien, aucune de ces attitudes ne changera rien au comportement du chien.
Elle affirme qu’au contraire, cela peut facilement empirer la situation. Elle prend comme exemple le chien qui a toujours dormi dans un lit. Sa chienne Lola dort dans son lit. Si demain matin, elle lui dit : « Toi, tu vas devenir indépendante, tu ne dors plus dans mon lit », ça veut dire qu’elle lui enlève un des seuls endroits où elle n’est pas anxieuse, un des seuls exutoires qu’elle a pour se calmer. Donc, un chien qui souffre vraiment de détresse d’isolement ou d’anxiété de séparation clinique, on ne veut pas lui enlever les endroits où il se sent bien !
17:07 : Claudine ajoute qu’il est certain que, lorsqu’on rentre à la maison, il faut être équilibré avec le chien. On ne veut pas être exagérément enthousiaste, car le chien qui fait de l’anxiété va déjà être vraiment excité de nous voir rentrer. Toutefois, revenir à la maison comme un robot n’est pas plus normal.
Ce n’est pas juste pour le chien, et c’est aussi difficile pour l’humain, parce que lui doit passer à travers le protocole de travail de l’anxiété de séparation, qui est quand même difficile, qui est long, qui demande énormément. Si en plus, vous n’avez plus le droit de coller votre chien, qu’il faille que vous soyez « net, frette, sec », dit-elle, ce n’est pas normal pour lui non plus.
Je rétorque qu’en effet, le chien a besoin de notre amour !
17:54 : Claudine poursuit en disant que ce genre de processus est lourd, et il y a des choses dont on peut se passer. Selon elle, l’utilisation du Thundershirt (un gilet qui sert le corps du chien et qui est supposé faire l’effet d’un câlin) est une méthode qui est moyennement efficace, et qui, pour bien fonctionner, devrait être complémentaire à des exercices de conditionnement, ce que la plupart des gens ne font pas. Claudine dit que cela peut même malheureusement devenir un déclencheur d’anxiété chez le chien, car il associe le gilet au fait que son humain quitte les lieux.
19:09 : Bien qu’elle ne doute pas que cela puisse fonctionner avec certains chiens, Claudine est un peu plus méfiante de ce genre de méthodes. Elle s’est rendue compte que, bien souvent, le client qui finalement vient la consulter a déjà passé à travers un nombre incroyable d’entraîneurs, a dépensé une fortune, et est épuisé financièrement et mentalement. Considérant avec sérieux le temps, les finances et les émotions de ses clients, elle préfère donc miser sur des protocoles de travail canin qu’elle construit avec les clients et qu’elle sait efficaces, à condition d’y mettre les efforts nécessaires.
Je lui dis qu’en effet, c’est un investissement dans tous les domaines, mais que ça marche !
20:03 : Claudine affirme que oui, ça fonctionne dans la majorité des cas. Dans le protocole qui nous intéresse, 75 % des cas sont résolus pour un chien, qui peut ensuite rester seul de 6 à 8 heures.
Comme je suis convaincue qu’un protocole de désensibilisation et de contre-conditionnement canin est un mystère pour les gens, je propose à Claudine de démystifier ce concept avec elle. De quoi a l’air un protocole de travail avec elle?
Elle explique qu’avec son équipe, ils entraînent par désensibilisation systématique, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de conditionnement. J’explique que cela signifie de faire simplement un travail pour que le chien ne soit pas en panique.
21:55 : Claudine définit d’abord la désensibilisation : elle dit que cela implique de travailler un comportement qui fait peur au chien, mais complètement sous son seuil de tolérance. Quant au contre-conditionnement, elle le définit comme le fait de prendre quelque chose duquel on a peur, et de le rendre positif, avec des gâteries, par exemple. En règle générale, on voit souvent en entraînement, pour des chiens qui ont peur, du conditionnement classique (dont la désensibilisation systématique fait partie) et du contre-conditionnement pour transformer l’émotion du chien.
Par contre, elle n’utilise pas le contre-conditionnement, donc la partie gâterie, la partie où l’on « paye » le chien. Elle explique qu’on ne laisse pas de gâteries quand on fait des exercices pour l’anxiété de séparation. Pourquoi ? Parce que dans la majorité des cas, si le chien en souffre vraiment, il ne touchera pas aux gâteries.
Le jeûne est un des signes que l’on peut voir dans les cas d’anxiété de séparation chez les chiens.
23:14 : Non seulement le chien peut ne pas manger, mais s’il mange, c’est souvent simplement à titre d’exutoire à sa panique. L’anxiété revient donc dès qu’il a terminé. C’est pourquoi elle utilise peu de nourriture pour traiter ce genre de problème, ou seulement à titre d’enrichissement, lorsque l’on sait que le chien a fourni l’effort nécessaire. Elle ajoute que le but n’est pas de payer le chien, c’est pour cela que l’on ne veut pas lui donner des gâteries quand on arrive à la maison, parce qu’on peut créer malgré nous un chien qui va être conditionné à attendre.
23:51 : Je lui demande de me parler un peu plus du protocole. Comment faire pour ne pas laisser son chien en panique, et lui apprendre à rester seul ? Claudine affirme que si on le fait par désensibilisation systématique, ça veut dire qu’on va réhabituer le chien doucement à ne pas paniquer quand on s’en va, donc à ne plus avoir peur.
24:15 : Elle explique qu’il y a deux clés à rencontrer dans ce type de travail et qu’elle ne peut pas travailler avec le client si ces deux conditions-là ne sont pas respectées.
La première clé, c’est que le chien ne peut pas être laissé seul. On fait un contrat avec son chien, comme si on lui disait : « Je ne vais jamais te laisser seul plus que le temps que tu peux tolérer ». Sans ce contrat, le travail serait vain, car ce serait l’équivalent de remettre le chien en état de panique tout le temps, et donc, le client n’obtiendrait jamais de résultat.
25:03 : Dès le début du protocole, le client doit être prêt à s’engager sérieusement. Afin de mener à bien le travail, elle insiste sur l’importance d’un entraîneur qualifié pour accompagner le client. Puisque la plupart d’entre eux doivent aller travailler et ne peuvent rester en tout temps à la maison, cela nécessite donc la mise en place d’un horaire qui leur est adapté.
Souvent, nous avoue Claudine, les clients prennent peur, car cela leur semble un trop gros engagement. Mais généralement, ils trouvent toujours un moyen de s’organiser grâce à la panoplie de ressources disponibles pour eux. L’important, c’est que l’animal ne soit pas seul.
26:08 : Claudine poursuit en insistant sur le fait que les régressions sont toujours normales pendant le processus d’entraînement du chien. Ce n’est pas un entraînement linéaire du tout. Le plus difficile, c’est le début, car c’est là que se passe le défrichage. Ensuite, dès que tous les signes de pré-départ pour le chien sont mis de côté, et que le client investit l’entraînement dans la durée, les changements de comportement commencent à apparaître.
26:46 : Si la première clé est de ne pas laisser le chien seul, la deuxième dont il faut absolument se rappeler dans le protocole de désensibilisation, c’est d’aller au rythme du chien, ce qui veut dire que Claudine ne peut pas donner de limites en termes de temps d’entraînement. C’est véritablement le chien qui va décider.
27:26 : Elle dit que lorsqu’on met tout ça en place, on est capable de faire un protocole, où doucement, on va réhabituer le chien à être seul sans paniquer, une étape à la fois. Toutefois, les chiens n’ont pas tous les mêmes sensibilités, il faut donc être patient et adapter le protocole à l’animal, car si pour certains chiens les souliers représentent un signe de départ, donc d’anxiété, pour d’autres ils ne veulent absolument rien dire ! Cela dépend en effet de l’association que le chien peut avoir avec des objets en particulier. L’idée est donc d’y aller progressivement, en termes de durée, en demandant en alternance au chien des défis difficiles, puis plus réalisables pour lui, avant de revenir vers du plus difficile.
Pour construire le protocole, tout est d’abord fait en ligne. Claudine affirme que les clients n’ont pas cette habitude et veulent au départ qu’elle se présente directement chez eux. C’est une mauvaise idée selon elle, car sa présence sur place représente un paramètre de plus que le chien aurait à gérer, un perturbateur de l’environnement.
28:48 : Le fait de faire le premier contact en ligne avec le client permet à Claudine d’entraîner le chien dans le contexte de vie du client, sans une présence immédiate dans l’environnement qui serait plus anxiogène pour l’animal. Claudine dépose chaque jour dans un dossier en ligne tous les exercices à faire avec le chien et où les clients peuvent aussi lui partager leurs notes par rapport à l’amélioration du chien. Claudine est en ligne avec le client cinq à six jours sur sept, et les exercices (qu’elle appelle les « missions ») à faire avec le chien demandent au client vingt à trente minutes de travail par jour. Les deux jours de congé qu’elle octroie au chien sont aussi important pour lui que pour le client.
30:16 : Je résume en disant qu’avec toutes ces missions, ces protocoles, finalement, le chien apprend à son rythme à rester seul de plus en plus longtemps. Souvent, les gens ne savent pas comment se travaille ce genre de problème et ça leur paraît souvent une montagne impossible à gravir.
30:45 : Claudine croit que ce serait une montagne impossible à gravir pour le client dans le cas où il serait laissé à lui-même avec son chien, sans entraîneur. Elle connaît les paramètres qui permettent de construire les bonnes missions pour chaque chien, sans que celui-ci se retrouve complètement épuisé.
31:18 : Pour elle, que le chien soit couché sur son coussin n’est pas un critère à atteindre. Les vrais critères de réussite du protocole sont l’absence des signes de stress et de panique. Il faut toutefois les connaître, et c’est pourquoi elle conseille aux clients de se référer à des équipes d’éducateurs canins pour régler l’anxiété chez leur chien. Si certains signes sont évidents, d’autres le sont beaucoup moins. C’est la présence de l’entraîneur qui va aider le client à reconnaître certaines subtilités dans le comportement du chien et qui vont poser des limites quant à le pousser ou non. Claudine ajoute que ça se travaille graduellement, car c’est un protocole à long terme, et qu’il faut avoir en tête que le travail est autant celui du chien que du client.
32:41 : Dépendamment de la durée de l’entraînement, elle a besoin que le client puisse être autonome. Elle est pleinement présente dans les premiers mois, puis progressivement, les clients commencent à écrire eux-mêmes les missions : elle ne fait ensuite que vérifier si tout est optimal. De cette manière, c’est aussi beaucoup moins cher pour le client. Bien sûr, elle rappelle que c’est un projet à long terme, et surtout un travail d’équipe, incluant le vétérinaire, qui joue un rôle important dans le processus, car ils sont les seuls à pouvoir prescrire de la médication.
33:29 : Je précise qu’en effet, la médication est parfois nécessaire pour baisser l’anxiété. Claudine est d’avis que la médication est utile pour que le chien soit en meilleure condition d’apprentissage, pour qu’il ait l’esprit clair, car c’est comme pour les humains, lorsqu’on est envahi par l’émotion, ce n’est pas possible d’apprendre.
Quand elle se retrouve à travailler avec un chien qui est très anxieux, elle réfère toujours le client à un vétérinaire, elle leur envoie ses observations en termes de comportement et souvent, les vétérinaires vont choisir de prescrire un anxiolytique pour ramener l’animal à un niveau où il est capable d’apprendre.
34:39 : Claudine explique que, s’il n’y a pas de stresseurs adjacents, la médication pourrait être sevrée éventuellement. Elle s’en sert seulement comme outil et non pour assommer le chien. Pour elle, tous les membres de l’équipe sont primordiaux pour faire l’horaire : l’entraîneur, le vétérinaire et bien sûr, maman et papa qui comprennent les limites de leur chien.
35:41 : Comme nous arrivons à la fin de l’entrevue, je remercie chaudement Claudine avant de lui poser ma dernière question, que vous connaissez déjà sans doute : « As-tu déjà fait quelque chose dans ta vie que tu considères aujourd’hui comme étant une erreur, mais que, même si tu avais le pouvoir de changer cette chose, tu la referais quand même? »
37:25 : Elle me répond que lorsqu’elle a pris la décision de faire sa formation en éducation canine, elle a cru qu’elle faisait une erreur, qu’elle était complètement folle d’avoir pris cette décision-là. Aujourd’hui, en rétrospective, elle dit bien évidemment qu’elle referrait vingt-cinq fois cette « erreur ». Elle m’avoue que, lorsqu’elle a pris cette décision et commencé à se chercher un cours sur l’éducation canine, elle travaillait à temps plein (car elle est parajuriste), elle avait des enfants, des petits-enfants, des engagements et un horaire extrêmement chargé, et en plus, elle travaillait aussi 40h/semaine à la SPCA. Mais elle voulait absolument savoir de quoi elle parlait.
38:20 : Elle a fini par tomber sur The Academy for dog trainers. Croyant que ses lectures de romans arlequins en anglais et sa capacité de parler avec fluidité dans cette langue serait suffisant pour compléter un cours en anglais, elle embarque dans la formation sans réaliser que le programme est très long et chargé en théories de toutes sortes. Plusieurs fois elle a voulu abandonner. Elle nous partage en riant que c’est finalement son égo qui lui a permis de rester, car quelqu’un avait ri d’elle en croyant qu’elle ne pourrait jamais passer à travers de tout cela. Elle a paniqué à de nombreuses reprises, parce qu’elle ne comprenait rien, mais elle est tout de même restée jusqu’à la fin. Elle a obtenu son diplôme avec mention d’excellence, ce pour quoi elle a travaillé énormément. Elle termine en disant qu’elle n’aurait jamais pu y arriver sans le soutien incroyable de son conjoint, qui apparemment fut celui qui a le plus célébré lorsqu’elle est sortie de l’école ! Cette décision dans la vie de Claudine aura été un véritable élément déclencheur qui lui aura permis de se rendre où elle en est aujourd’hui.
43:48 : Avant de terminer, je la remercie pour sa belle histoire et rappelle que Claudine a une belle équipe, avec des personnes à référer. Je précise donc que si votre chien a vraiment du mal à rester tout seul, Claudine a des solutions !
Je remercie mes spectateurs et leur donne rendez-vous dans une prochaine entrevue !