Je présente la docteure Céline Leheurteux, médecin vétérinaire et fondatrice (créatrice) d’Euthabag, une housse mortuaire utilisée pour les animaux de compagnie.
Je confie à Céline que je suis très contente de la recevoir en entrevue. Je lui raconte que, lorsque j’ai découvert son produit, ma première réaction a été : « Ô mon Dieu !, Comment ça se fait que personne n’avait pensé à ça avant ? » Nous, les éducateurs canins en renforcement positif, travaillons durant la vie de l’animal pour son bien-être, dans le respect. Avec le produit que Céline propose, nous sommes aussi dans le respect après son décès, donc pour moi c’est super!
Céline mentionne que de nombreux professionnels travaillent avec respect, amour et énergie dans les soins prodigués aux animaux. Pour les éducateurs canins, c’est davantage le bien-être psychologique. Pour les vétérinaires, c’est aussi le bien-être psychologique évidemment, mais surtout le bien-être corporel et la santé de l’animal. L’expérience de l’euthanasie fut la rupture qui a amené Céline dans cette folle aventure de l’entrepreneuriat.
1:43 : Je demande à Céline de nous raconter son parcours. Céline avoue en introduction que c’est souvent la frustration qui est la mère de l’invention (faisant référence à son produit, Euthabag).
Au bout de plusieurs années de pratique, elle a réalisé la « force » de l’expérience de l’euthanasie. Lorsque l’animal présente un grave problème de santé, a atteint un âge très avancé, ou encore ne bénéficie plus d’une qualité de vie acceptable; les propriétaires concernés se demandent alors ce qu’ils doivent faire. Les gens espèrent toujours que l’animal décède pendant son sommeil, mais c’est très rare. Arrive alors le moment où l’on doit inévitablement procéder à l’euthanasie. Les docteurs vétérinaires y mettent alors beaucoup d’attention. Mais une fois l’euthanasie complétée, la visite se termine, et en tant que professionnels, ils vont sans doute y repenser pendant une journée ou deux suivant l’acte, mais ensuite pour eux la vie continue.
Par contre, pour les gens confrontés qui entouraient l’animal avec beaucoup d’affection, l’expérience de l’euthanasie s’avère beaucoup plus difficile et ils en seront marqués pour longtemps. Il s’agit d’un moment très fort et intense en émotion dans la relation avec leur animal. Je mentionne que, pour eux, il s’agit d’un véritable deuil ! Selon Céline, qu’il s’agisse d’une personne possédant un chiot depuis quelques mois ou d’une autre personne partageant sa vie depuis 15 ans avec son chien ou encore 22 ans avec son chat, l’euthanasie leur laissera une image très forte dont ils vont se souvenir longtemps.
3:00 : Céline nous relate une expérience vécue. Un jour, au bout de 4 ou 5 années de pratique vétérinaire, une personne entre dans sa clinique et se met à sangloter sans raison apparente avec l’instant présent. Devant l’incompréhension de Céline, la personne lui explique qu’elle avait procédé à l’euthanasie de son chien, dans cette même pièce quelque temps auparavant. Céline, bien sûr, avait oublié cet événement. Lorsqu’elle a rencontré cette bonne cliente, c’était tout naturel de la saluer, de lui demander : « Comment ça va ? », sans avoir retenu en mémoire l’euthanasie de son chien qui demeure, aujourd’hui encore, une expérience très éprouvante pour cette dame. Face à cette situation, un souvenir personnel est immédiatement venu à l’esprit de Céline. Son père est décédé à l’hôpital du Sacré-Cœur, et elle s’est alors imaginée devoir, par exemple, faire vacciner sa fille de 3 ans à l’endroit même où son père était décédé. Pour Céline, cela n’avait aucun sens. Ce genre de situation l’a fait grandement réfléchir.
3:58 : Céline précise qu’elle a terminé ses études il y a maintenant 19 ans, sans avoir jamais reçu à l’époque aucune formation concernant spécifiquement l’euthanasie. Elle n’a pas reçu non plus, de manière générale, de formation sur la psychologie du client et de sa famille concernant les répercussions de la maladie et principalement du décès de leur animal de compagnie. Sa formation de 4 ans pour devenir vétérinaire l’avait pourtant très bien formée sur toutes les maladies possibles, incluant les fractures, l’alimentation, la pharmacologie, etc. Du jour au lendemain, comme docteure, Céline prend conscience qu’une famille peut mettre des mois à réfléchir avant de prendre la décision ultime de l’euthanasie pour leur animal de compagnie. Elle trouve ça lourd, et se rend compte qu’elle ne possède pas tous les outils nécessaires pour gérer adéquatement les répercussions sur la famille confrontée à l’euthanasie de leur animal de compagnie.
4:42 : Je renchéris sur le fait que ce n’est pas juste l’animal et son état qu’il faut gérer, mais également toute la famille. Céline acquiesce et ajoute qu’elle n’était pas armée pour ça, et les gens non plus ne sont généralement pas préparés à l’euthanasie de leur animal. Il s’agit souvent d’une première expérience éprouvante. Régulièrement, ce sera un proche qui s’occupera de l’animal pour eux parce qu’ils ne se sentent pas la force d’assister à ses derniers moments. Céline avoue qu’elle trouvait tout cela vraiment intense et dit avoir commencé à improviser des techniques afin que les gens puissent se sentir mieux. Elle mettait toutes ses énergies à gérer la situation et la peine ressentie par le client pour réaliser qu’au bout du compte, l’objet de la crise et de toute cette tristesse finissait dans un sac-poubelle… Cela lui semblait inacceptable !
5:20 : Céline explique qu’elle n’a aucun problème à être filmée toute la journée dans sa clinique pour tous les actes posés dans le cadre des soins donnés à l’animal parce qu’ils font tous du sens… mais il y a un manque de cohérence entre tous ces soins donnés afin de prévenir la douleur dans le respect de l’animal et de son bien-être et la fin de vie dans un sac poubelle. Il est du devoir de tout vétérinaire de bien s’occuper de l’animal et ce, en présence ou non des gens qui l’accompagnent.
Elle mentionne qu’il est également du rôle de toutes les techniciennes de s’assurer que les soins soient donnés d’une manière très professionnelle. Déposer l’animal dans un sac poubelle après l’euthanasie, c’est quelque chose qui n’allait pas et ce, même si Céline ne croit pas nécessairement qu’il puisse y avoir quelque chose après la mort pour l’animal.
6:20 : Je confirme qu’il s’agit d’un respect, pas seulement pour l’animal, mais également pour la famille. Je demande ensuite à Céline de nous raconter comment ça se passe lorsque les gens quittent la clinique après l’euthanasie. Certains l’ont probablement déjà vécu, mais plusieurs écoutant l’entrevue et possédant un animal ne connaissent pas cette étape qu’ils auront peut-être à traverser à la fin de la vie de leur animal. Et c’est mon cas ! Je suis émue juste à envisager cette éventualité. Je demande donc à Céline de nous expliquer comment cela se passe.
7:24 : Avec cette housse funéraire, nous explique Céline; les vétérinaires peuvent maintenant faire les choses plus convenablement afin de disposer de l’animal et ce, avec respect et dignité. Auparavant l’intention était présente mais la solution idéale n’était pas disponible. Chaque vétérinaire faisait au mieux avec les moyens existants. Je lui demande alors de nous expliquer comment cela se passait avant et aussi maintenant. Il sera plus facile pour nous de comprendre les différences.
Selon Céline, pour un animal, c’est comme les humains, au moment du décès lors de l’euthanasie, l’animal peut connaître des pertes de liquides biologiques tels que : l’urine, les selles et des sécrétions pulmonaires pouvant s’écouler des narines. Le vétérinaire doit prévoir une façon de contenir ces liquides. L’animal est donc inséré dans un sac de plastique, souvent un simple sac poubelle. Céline poursuit en nous expliquant qu’ensuite l’animal doit être entreposé dans un espace réfrigéré ou encore dans un congélateur avant d’être déplacé jusqu’à sa nouvelle destination. Parfois, le propriétaire rapporte immédiatement son animal à la maison. J’ajoute : « Dans un sac en plastique… ».
8:47 : Céline relate l’événement qui a servi de réel déclencheur pour la réalisation de son projet. Une cliente qu’elle adore et qui prenait grand soin de son animal était présente à la clinique pour l’examen de son animal très mal en point. Il avait été convenu à l’avance de procéder à l’euthanasie s’il ne pouvait en être autrement. Céline s’est retrouvée, une fois l’euthanasie effectuée, à devoir maladroitement insérer les fesses de l’animal dans un sac de plastique, devant sa cliente, déjà très peinée du décès de celui-ci. La cliente désirait le rapporter chez elle. Elle est donc partie en voiture avec son chien dans un sac poubelle… Céline a trouvé cette situation d’un ridicule insoutenable, pour elle-même et pour toute l’équipe vétérinaire. En plus de savoir que la dame allait garder une dernière image épouvantable de son chien. Elle avait en tête son projet depuis un bon moment, elle décida cette fois d’agir.
10:18 : Céline informe, que de nos jours, la plupart des gens (90 %), décident de laisser le corps de l’animal à la clinique. Le vétérinaire dépose donc l’animal dans un sac pour ensuite le mettre dans un congélateur. Ce n’est ni plus ni moins qu’une morgue temporaire pour la clinique vétérinaire. Lorsqu’il y a plusieurs animaux accumulés dans le congélateur, une personne vient les chercher afin de les acheminer jusqu’à un crématorium. Mais Céline rapporte que plusieurs scandales sont survenus dans les années 1970. Certains individus déposaient les animaux morts et congelés directement dans des dépotoirs. D’autres encore les envoyaient directement à l’équarrissage, donc remis dans la chaîne alimentaire… Cette dernière possibilité n’existe plus au Québec depuis longtemps. L’industrie s’est adaptée à la hauteur du lien homme-animal. Des gens, suite à ces mauvaises expériences, ont depuis démarré des crématoriums pour les animaux. Plusieurs crématoriums de grande qualité existent maintenant un peu partout au Québec.
11:35 : Je mentionne qu’il est possible de trouver les adresses de ces crématoriums sur le site Internet de Céline. Son site offre une panoplie d’informations concernant tous les besoins en rapport avec la fin de vie de notre animal de compagnie. S’y trouvent la liste des cimetières et des crématoriums pour animaux, les différentes possibilités pour les enterrements, différents moyens pour se déculpabiliser suite à une décision d’euthanasie et des informations sur les différentes phases du deuil. Je précise que le lien du site Internet de Céline sera affiché à la fin de l’entrevue vidéo.
12:05 : Céline revient à la phase d’entreposage. C’est la même chose que pour les êtres humains. Elle fait le parallèle avec le décès de son père. Il est décédé un vendredi soir et Céline s’inquiétait alors de la disposition du corps en attendant l’incinération. Souvent, comme c’est arrivé pour son père, on met le corps à la morgue dans un tiroir réfrigéré en attente pour la disposition finale. Fréquemment les gens, après l’euthanasie, font appel à la pensée magique. Ils pensent (ou espèrent) que le corps de l’animal va disparaître de lui-même, s’évaporer. Mais aujourd’hui, selon une étude, 50 % des propriétaires d’animaux connaissent maintenant les différentes étapes qui surviendront au décès de l’animal, ils se doutent aussi des sentiments et des émotions qui viendront et donc, s’informent à l’avance.
12:49 : Céline ne se sentait pas du tout à l’aise de mettre l’animal dans un sac poubelle alors que le propriétaire venait à peine de quitter la clinique tout en pleurs, et qu’elle était elle-même encore dans l’émotion vive du décès de l’animal. Et comme elle n’aime pas en plus devoir cacher des choses à ses clients, elle a donc débuté des recherches sur Internet afin d’y trouver des solutions plus acceptables que le sac poubelle. Elle a fait plusieurs recherches, sans résultat. Les cercueils existaient, mais souvent en bois et ils étaient chers. Elle a trouvé des paniers en osier, mais ceux-ci ne convenaient pas à ses besoins. Céline cherchait un simple sac, pratique et pas trop cher, afin de pouvoir y déposer l’animal décédé. Elle n’a rien trouvé de convenable !
13:35 : Elle a donc décidé de partir sa propre entreprise et de créer l’outil qui répondrait à ses besoins. L’entreprenariat l’intéressait vivement, ça venait sans doute de son père qui lui a longtemps vanté les avantages de celle-ci.
À la blague, elle raconte qu’une enquête pourrait être menée par la Sureté du Québec, suite à ses recherches bizarres sur le net, qui pourrait faire penser qu’elle est une personne planifiant une tuerie…
14:08 : Maintenant au Québec, selon Céline, 75 % des cliniques utilisent l’Euthabag qu’elle a créé. Je trouve que c’est une excellente performance ! Céline précise que toutes les cliniques ne l’utilisent pas dans 100 % des cas. Certains l’utilisent seulement lorsque le client rapporte l’animal décédé à la maison. Céline considère qu’Euthabag est connu puisqu’il s’agit d’un marché restreint. Elle pense avoir fait ce qu’il fallait pour être connue à travers le Québec.
J’apporte les précisions suivantes : l’Euthabag, c’est une housse pour déposer l’animal décédé. Il existe actuellement 5 différentes tailles d’Euthabag pouvant être utilisées pour des animaux aussi petits qu’un cochon d’Inde ou un rat et convenir aux plus gros, de la taille d’un chien de race tel qu’un Grand Danois. Je trouve ça fantastique, vraiment génial !
Pour Céline, il existe un réel besoin. Au tout début, la dimension pour cochon d’Inde n’existait pas, mais elle nous raconte une histoire personnelle qui démontre que le besoin existe.
14:58 : Une demande spéciale d’euthanasie pour un rat est adressée par une jeune fille à la clinique. Le vétérinaire le plus près s’occupant d’animaux exotiques se trouvant à plus de 50 km de distance, Céline pouvait difficilement refuser cette demande d’aide provenant de la jeune fille. La jeune adolescente arrive donc à la clinique avec sa petite rate très malade. L’animal repose au fond d’une boîte en carton très joliment décorée. La jeune fille est accompagnée de sa mère. Céline est intriguée par ce que la jeune fille mentionne à sa mère : « Elle va aller chatouiller les pieds de papa. » Ne saisissant pas le sens de cette remarque, Céline lui demande des explications.
16:00 : Céline apprend qu’au décès du papa de la petite, sa maman décide de lui offrir un animal de compagnie afin de l’aider à faire son deuil. Quelques premières tentatives, telles qu’un chat, échouent car la petite est allergique. Quelqu’un de l’entourage suggère de lui offrir un rat, et c’est donc cette petite rate que Céline s’apprêtait à euthanasier. Une pression énorme pour elle, qui réalise que ce moment très difficile resterait à jamais gravé en mémoire pour la jeune fille. Elle se devait de gérer la situation très délicatement…
La jeune fille désirait en premier lieu rapporter sa petite rate à la maison afin de procéder à l’enterrement. Elle a par la suite changé d’idée et laissé l’animal à la clinique. De toute façon, Céline avait prévu le coup en se procurant une petite housse funéraire aux bonnes dimensions. Dans toutes les situations similaires, l’utilisation d’une housse adaptée fait une énorme différence. À la blague, elle nous dit que c’est quand même autre chose que de mettre l’animal dans un sac « Ziploc ». Imagine la personne, qui sort son sandwich pour manger quelques jours plus tard, et se rappelle soudain l’euthanasie de son animal préféré ! L’histoire d’une expérience humaine marquante comme celle-ci nous amène à réfléchir sérieusement. Céline agit afin de prendre soin autant des gens que des animaux dans le but de diminuer les souffrances inutiles au moment de l’euthanasie.
17:19 : J’ajoute que, suite à ses prises de consciences, Céline décide de créer elle-même son produit. Je précise qu’elle démarre son entreprise et que depuis, tout fonctionne rondement. Céline confirme que son entreprise fonctionne bien malgré sa petite taille et sa structure légère. L’entreprise connaît une belle croissance et l’expérience est agréable. Évidemment, ce n’est pas drôle tous les jours, c’est parfois stressant mais c’est à la fois super excitant. Le travail est diversifié, il y a une multitude de différents problèmes à solutionner. Il faut aussi se faire connaître, alors il faut être très imaginatif.
Je mentionne à Céline combien je trouve tout ça très intéressant. Il y de la place pour plein d’idées ! Pour Céline, il s’agit d’un domaine un peu tabou. On ne parle pas beaucoup de la mort au Québec. Le propriétaire d’un animal de compagnie ne pense pas nécessairement à tout ce qui va se passer lors du décès de l’animal.
Elle précise que les gens sont tellement peinés lors du décès qu’ils se sentent inaptes à prendre des décisions. Les émotions ressenties les rendent confus. Ils se retrouvent devant l’inconnu et ne savent pas quoi faire. Le jugement des autres peut aussi agir comme une pression supplémentaire sur les endeuillés.
18:40 : Je confirme à Céline que dans ces situations, les gens ne s’imaginent même pas la quantité d’émotions qui surgissent tout d’un coup. La gêne de se retrouver devant des étrangers dans un tel moment est aussi très pénible pour eux.
Céline mentionne que tous les jours ou presque, elle se retrouve devant des gens en pleurs. Il y a beaucoup d’éducation à faire avec les clients afin de les informer du déroulement de l’euthanasie. Elle prépare justement un outil d’information qu’elle pourra fournir aux clients quelques jours avant l’événement afin qu’ils soient mieux informés donc mieux préparés au moment de l’euthanasie.
Actuellement, la moitié des plaintes adressées à propos de la pratique vétérinaire concerne l’euthanasie. Des améliorations significatives sont nécessaires. Céline contribue en apportant son aide à la formation et principalement en présentant des conférences sur ce sujet. C’est d’ailleurs pour Céline, l’une des grandes motivations dans l’accomplissement de son travail.
19:30 : Je mentionne à Céline qu’il serait intéressant qu’elle nous montre une housse funéraire. Je m’intéresse à savoir si elle utilise du matériel recyclé dans la fabrication des housses.
Céline nous confirme qu’elle utilise en partie des matières recyclées pour la confection des housses. Son objectif est d’utiliser 100 % de matières recyclées d’ici quelques années. Actuellement, selon les tailles disponibles, c’est entre 20 % et 40 % de matières recyclées qui entrent dans la fabrication des housses.
Elle nous explique que les matières recyclées en général sont moins résistantes. Des défis particuliers se présentent aux vétérinaires lors de la disposition de l’animal. Les housses doivent contenir les liquides, elles doivent être suffisamment résistantes pour convenir au transport de l’animal pouvant peser parfois jusqu’à 200 livres. C’est donc un important défi pour Céline se décrivant comme très écologiste, de parvenir à utiliser un maximum de matières recyclés dans la fabrication des housses. Trois années se sont écoulées depuis le début de son projet, et Céline se laisse encore un peu de temps afin d’atteindre son objectif de 100% de matières recyclées.
20:56 : Je demande à Céline de nous montrer une housse funéraire. À l’aide d’un animal en peluche, Céline procède à une démonstration. Une fois l’animal décédé, on l’insère dans la housse funéraire en attente de sa prochaine destination soit pour un retour à la maison afin de procéder à son enterrement dans un cimetière ou à l’incinération dans un crématorium. En quelques mouvements, l’animal est inséré dans la housse, laquelle est refermée avec l’aide d’une fermeture à glissière. Le geste est assez symbolique comme la fermeture d’un chapitre.
Céline précise qu’elle ne fait pas nécessairement toujours ce geste en présence des gens. Plusieurs personnes ayant beaucoup de peine préfèrent se retirer immédiatement. Pour d’autres, il est important d’y assister. Il s’agit pour certains d’une étape importante dans le processus du deuil à faire. Il s’avère moins brutal de faire ses adieux à l’animal lorsqu’il est contenu dans une housse funéraire. Selon Céline, les gens garderont une image plus respectueuse de l’euthanasie.
22:04 : La housse funéraire est résistante et vient avec des poignées. Elle facilite le transport de l’animal. Ainsi, on évite des situations embarrassantes comme un sac de plastique qui cède pendant le transport d’un animal lourd.
Je rappelle à Céline qu’aujourd’hui, certains vétérinaires procèdent à des euthanasies à domicile et qu’avec l’utilisation de la housse, le procédé devient plus convenable.
Céline relate une expérience d’euthanasie à domicile concernant une chatte âgée de 19 ans. Elle réalise en quittant la maison, située dans une rue très passante, que l’utilisation de la housse apportait plus de discrétion et de respect comparé à un vulgaire sac de plastique.
Je confirme que c’est plus discret et puisque les euthanasies à domicile augmentent en fréquence, c’est intéressant.
Céline renchérit sur le fait qu’il y aura effectivement de plus en plus d’euthanasies pratiquées à domicile. D’ailleurs, elle suggère aux vétérinaires qu’elle côtoie de clairement proposer cette possibilité aux clients. Plusieurs l’ignorent et pour certains cela peut faire une grande différence dans le processus du deuil.
23:08 : Je tente de préciser la mission de Céline. Est-ce que ta mission serait de « personnaliser la mort » ? Céline répond qu’il s’agit davantage de faciliter le déroulement de l’euthanasie pour tous les gens impliqués dans le processus. Les vétérinaires aux prises avec de plus gros animaux ont besoin de poignées pour déplacer l’animal décédé afin de le déposer dans un congélateur, par exemple. Il faut éviter d’avoir des écoulements de liquide dans le fond du congélateur. Il faut voir à la tranquillité d’esprit des gens qui pensent aux étapes suivant le décès, c’est plus réconfortant de savoir son animal dans une housse funéraire que dans un sac de plastique pouvant déchirer. C’est surtout plus respectueux. Comme dit Céline, « Qui met des cadavres dans des sacs-poubelle à part les gens de la mafia ? »
Elle précise qu’à notre époque, il existe tant de choses spécifiques pour chaque utilisation. Il y a des cathéters de différentes formes et de différentes longueurs, toutes sortes d’aiguilles spéciales, des lasers, des échographes, la réalisation de radios dentaires, etc. Dans la disposition du corps de l’animal, rien d’autre n’existait que des sacs en plastique. Maintenant une solution existe, c’est donc un progrès !
24:37 : À ce moment de l’entrevue, je demande à Céline, quel est l’avenir d’Euthabag ? Comment va-t-elle faire évoluer son produit ? Ce que désire principalement Céline, comme je l’ai soulevé précédemment, c’est que la housse funéraire puisse être entièrement fabriquée avec des matières recyclées afin d’éliminer au maximum l’impact écologique. Son principal objectif est tout simplement d’éliminer l’utilisation des sacs en plastique.
24:56 : Les gens réalisent difficilement à quel point le travail en clinique vétérinaire est exigeant Un travail sous pression pendant toute la journée.
Je souligne qu’il y a beaucoup de suicide par compassion chez les vétérinaires et que tout le personnel en clinique est également affecté par les exigences de la tâche.
Céline confirme que c’est très difficile pour les techniciennes en santé animale. Elles offrent un haut niveau de dévouement au travail. Elles font toujours le maximum, sans compromis pour le bien-être de l’animal. Ce sont, pour Céline, des gens hyper professionnels et très dévoués.
Souvent, elles mettent au défi Céline pour que tout puisse être fait pour le mieux-être de l’animal. Face à ce professionnalisme, Céline réalise que c’est beaucoup de demander ensuite au personnel de mettre les animaux décédés dans des sacs poubelle. Les employés détestent procéder de la sorte. En fait, tout le monde déteste le faire de cette façon. C’était donc devenu impensable pour Céline de continuer à demander à ces professionnels de procéder avec une méthode si peu adaptée, l’utilisation d’un sac-poubelle !
Pour Céline, les techniciens en santé méritent mieux que l’utilisation de sacs en plastique. Céline explique qu’en milieu vétérinaire, parce qu’ils ont peu de moyens, souvent ils vont devoir bricoler et essayer de faire plus avec moins. Après tout ils n’ont pas l’équivalent de la « carte soleil » dans leur pratique ! Céline nous dit avoir donc travaillé très fort pour que son produit devienne accessible.
26:37 : Elle décrit son produit de « démocratique » puisque tout peut devenir vite très cher en matière de funérailles. Elle aurait pu ajouter des incrustations, des diamants à son produit mais elle a préféré quelque chose de simple et de plus abordable. Un produit accessible que tous, même ceux avec un petit budget, puissent se procurer en cas de besoin. Le coût de la petite housse revient environ à 5 $ au vétérinaire, qui ensuite va le facturer à ses clients. Céline précise que le coût va en général de 5 $ pour les petites housses jusqu’à 16 $ environ pour les plus grandes.
Je précise pour bien comprendre : Céline vend ses housses aux cliniques et un particulier peut s’en procurer une en demandant à son vétérinaire… Céline le confirme et rajoute que le particulier peut aussi se procurer une housse en se rendant dans un crématorium.
Céline nous cite comme exemple des clients qui sont partis en voyage avec un animal vieillissant, ils se sont procuré une housse au cas où l’animal décéderait loin de la maison. C’est toujours bien d’avoir une housse pour palier l’imprévu. Puisque souvent les animaux vont décéder en clinique vétérinaire, la logique de Céline lui dicte que chaque clinique devrait en tenir aussi en inventaire. Finalement à l’évidence, tout crématorium devrait également en avoir en inventaire.
J’amène des précisions pour les clients qui auraient le désir de s’en procurer. Un particulier ne pourra pas l’obtenir directement d’Euthabag, il devra plutôt s’adresser à une clinique vétérinaire ou encore aller directement dans un crématorium.
28:05 : Céline nous dit avoir tellement entendu de témoignages venant de gens dont l’animal avait été tué par une voiture, projeté dans un fossé et se poser alors la question : « Qu’est-ce que je fais du corps ? » La housse funéraire dans ce cas facilite grandement les choses.
Je lui dis que pour moi c’est vraiment un beau produit et que je suis très enthousiaste parce que cela manquait au Québec. Pas seulement au Québec, précise Céline. Cela manque partout dans le monde et à preuve, les ventes se font actuellement dans 11 pays.
Je lui demande où, en Europe ? Aux États-Unis ? Elle raconte qu’en fait, Euthabag est présent surtout en Europe grâce à un partenaire et aussi aux États-Unis. Depuis peu, quelques ventes se sont réalisées en Corée, ça c’est plus exotique ! Récemment, lors d’un congrès à Seattle auquel étaient présents des Coréens, elle leur a parlé de son produit. À sa grande surprise, elle a obtenu rapidement un retour positif de cette présentation.
29:00 : Je lui dis que je trouve ça super et j’en profite pour lui souhaiter un beau succès dans son entreprise. Succès dont je suis assurée, d’ailleurs.
Et pour terminer l’entrevue, j’informe Céline que j’aime bien poser à mes invités une question hors contexte. Céline nous informe en riant qu’elle n’a pas été informée à l’avance de la question qui lui sera posée.
De mon côté, j’ajoute que ceux ayant déjà vu d’autres capsules que j’ai présentées connaissent cette question : « Céline, j’aimerais savoir si, dans ta vie, tu as fait quelque chose que rétrospectivement aujourd’hui tu considères comme une erreur ou comme quelque chose que tu n’aurais pas dû faire mais, à cause de ce que cela t’a apporté, tu referais cette erreur même si tu pouvais la changer? »
La réaction de Céline est:« Ah! Wow! Ça c’est toute une question ! »
Après réflexion, elle parle d’un changement de cap qui a amené un événement positif dans sa vie. Elle souhaitait se dévouer à l’environnement, faire quelque chose qui aurait un impact à grande échelle. Céline faisait à l’époque une revue de toute la littérature existante sur la conservation de la rainette faux grillon de l’Ouest, non seulement menacée, mais en voie d’extinction au Québec. Son travail consistait à lire tout ce qui était écrit sur le sujet afin de pouvoir faire des recommandations au gouvernement.
30:27 : Céline s’est vite rendue compte que la connaissance scientifique existait déjà sur la conservation de la rainette au niveau environnemental, mais que la volonté politique n’était pas présente pas plus que du côté de la majorité des gens. Et peu sont vraiment disposés à faire de vrais changements afin que leurs actions profitent à l’environnement. Tous s’imaginent que cela relève de quelqu’un d’autre, souvent du gouvernement, des compagnies ou de machin-truc. Cela s’est vite traduit en constat d’impuissance pour Céline.
Elle s’est alors demandé comment elle pouvait faire une réelle différence à grande échelle. La réponse n’est pas venue. Elle a préféré à ce point poursuivre comme vétérinaire là où elle croyait pouvoir faire une différence au niveau humain et à plus petite échelle.
C’est ainsi qu’en poursuivant son travail sur les animaux, elle a découvert cette faille dans le système (l’utilisation de sacs poubelle). Cela lui a donc permis de développer son projet actuel. Céline désirait vraiment faire une différence au niveau de l’environnement. La vie des gens étant également importante à ses yeux, elle se retrouve donc un peu entre les deux pôles.
31:36 : Aujourd’hui, Céline reçoit assez fréquemment des témoignages nourrissants sur les impacts de son projet qui facilite la vie des gens dans les cliniques vétérinaires. L’insertion d’un berger allemand dans un sac poubelle, par exemple, ça finissait plutôt mal une journée de travail. Aujourd’hui, avec sa contribution, c’est nettement mieux.
Le projet de Céline lui permet d’avoir un impact sur des professionnels en santé animale qu’elle respecte énormément tout en fournissant une petite contribution à la médecine vétérinaire, une grande passion pour elle depuis qu’elle est toute jeune.
Je lui dis qu’elle contribue aussi d’une certaine façon à l’environnement avec son produit, donc cela constitue une forme de petite boucle.
32:20 : Je poursuis en remerciant Céline pour son entrevue et lui répète que je trouve son projet super intéressant, que j’adore son produit et que je m’engage à en faire la promotion.
Céline termine en me disant qu’elle trouve mon projet formidable également et que cela répond à un réel besoin. Elle se rend vite compte, lorsqu’elle reçoit des animaux en première visite, de plusieurs lacunes dans les comportements de l’animal et de certaines difficultés pour son propriétaire. J’acquiesce en disant que les gens sont souvent démunis dans ce domaine. Céline ajoute que le propriétaire ne comprend pas toujours le langage de son animal et vice versa. Plusieurs problèmes découlent de cette incompréhension réciproque et si des outils peuvent leur être fournis, c’est tant mieux ! Je conclue en spécifiant qu’une relation de collaboration entre l’animal et son propriétaire, c’est merveilleux, et c’est ce que j’essaie d’offrir…
Je remercie chaleureusement Céline et lui souhaite une bonne journée !
2 réflexions sur “Euthabag, une housse mortuaire éthique: Entrevue avec Céline Leheurteux”
Est-ce que Euthanabag protège contre les attaques d’animaux dans le sol?
Bonjour! C’est une très bonne question à laquelle je ne peux malheureusement pas répondre…
Le mieux serait de contacter un vétérinaire qui vend ces housses (il y en a beaucoup) et de leur demander.