J’ouvre exceptionnellement cette entrevue avec un petit bêtisier. On a eu beaucoup de fous rires avec Lynne, avec ses yeux coquins et son rire communicatif. Ce n’est pas parce qu’on parle du deuil qu’il faut que ce soit triste!
Début: Je raconte, en introduction, qu’étant toujours en contact avec des animaux de compagnie, je suis forcément en contact avec des gens qui perdent leur animal de compagnie. Et j’ajoute que, peu importe l’âge de l’animal ou la façon dont il est décédé, tout le monde trouve ça épouvantablement difficile, et c’est très compréhensible!
Alors j’ai eu envie d’explorer ce sujet avec une spécialiste du deuil, Lynne Pion. Lynne est spécialiste du deuil au sens large, je veux dire pas seulement du deuil animalier. Je la taquine en l’appelant «madame Deuil»!
J’enchaîne en précisant que le deuil, c’est un sujet très tabou, et le deuil animalier, encore plus.
1:26: Mais avant d’embarquer dans le vif du sujet, je demande à Lynne de nous raconter son cheminement. Parce que je me dis que lorsqu’on lui demandait ce qu’elle voulait faire quand elle était petite, je ne pense pas qu’elle répondait qu’elle voulait devenir une spécialiste en deuil! Lynne répond que non, petite, elle ne le savait pas, mais elle se rappelle qu’à l’âge de 10 ans, elle avait dit qu’elle voulait écrire un livre. Elle voulait être auteure, ça, elle le savait.
Mais aider les gens endeuillés, elle a su qu’elle voulait faire ça vers 14-15 ans. Ça m’a étonné d’apprendre cela! Lynne ajoute qu’elle voulait qu’on comprenne ce que les gens endeuillés ont besoin. Alors elle s’est mise à lire sur le sujet.
Je lui demande : «Tu as commencé dès 14-15 ans à aider des personnes endeuillées?» Lynne a beau fouiller sa mémoire, elle ne s’en souvient pas, ce qui nous fait rire toutes les deux. Par contre, elle se souvient que, jeune, lorsqu’elle travaillait dans le domaine des assurances, elle était souvent la personne ressource quand survenait un deuil.
2:30: Je comprends que Lynne a eu plusieurs emplois et qu’à travers ceux-ci, elle a toujours accompagné des gens endeuillés, mais qu’un jour, elle a décidé d’en faire son chemin de vie, son emploi. Elle confirme. Elle ajoute qu’en 1992, elle a écrit son premier livre en version manuscrite et s’est promis de le publier lorsqu’elle aurait 50 ans (donc plusieurs années plus tard!). Ce livre, Lynne l’avait écrit pour sa fille. Lorsqu’a approché l’âge fatidique, sa fille lui a demandé quand est-ce qu’elle publierait son livre. À l’époque (en 1992), Lynne l’avait fait valider par plusieurs spécialistes, car ce livre a été écrit dans le but de permettre aux parents de parler de la mort et du deuil avec les enfants. Je demande à Lynne de quel livre elle parle, est-ce que c’est son dernier livre, Apprivoiser le deuil animalier? Lynne répond que non, c’est Est-ce que tout le monde meurt?
Finalement, le livre est paru en 2011. Je commente que ça a pris un petit bout de temps entre l’écriture et la parution !
3:44: Lynne raconte que le même livre a ensuite été réédité avec une préface de Martin Latulippe, et je précise alors que Lynne et moi nous nous connaissons grâce à Martin Latulippe, notre mentor d’affaires à toutes les deux , par l’entremise de l’Académie Zérolimite. Car on a beau avoir de beaux projets d’affaires, on a aussi besoin d’être bien entourées pour les mener à bien!
Tant qu’à être dans les livres, je présente le petit dernier de Lynne : Apprivoiser le deuil animalier. Elle explique que ce livre est arrivé d’une drôle de façon dans sa vie. Sa fille avait perdu son chat, et elle avait écrit un article de blog à ce sujet. Alors, quelqu’un la contacte de France pour lui parler de cet article. Immédiatement après la conversation (et même avant la fin), Lynne raconte qu’inspirée, elle est allée ouvrir son ordinateur et a créé son site Web «Deuil animalier.com» et sa page Facebook «Deuil Animalier, Pet Loss» (@DeuilAnimalier). Je suis tellement impressionnée que je demande à Lynne de confirmer qu’aussitôt l’appel terminé, elle a vraiment créé son site et sa page? Elle répond par l’affirmative. À l’époque (2013), il n’y avait pas grand monde qui faisait du deuil animalier, alors elle s’est lancée!
5:25: Je constate que je n’ai pas vraiment «présentée» Lynne, alors je rectifie le tir : elle est auteure, conférencière, consultante, formatrice, accompagnatrice en deuil (mais de moins en moins, car elle réfère plutôt les gens vers les bonnes personnes). Je commente en disant que ça lui fait plusieurs chapeaux, et elle ajoute que ça demande beaucoup d’ouvrage, mais que c’est plaisant et que ça lui fait rencontrer beaucoup de personnes.
5:57: Je demande à Lynne comment on pourrait définir le deuil animalier. Elle répond que c’est en lien avec l’attachement que la personne a eu avec son animal, mais aussi avec le lien que chaque membre de la famille a eu avec lui. Par exemple dans un couple, chacun a eu un lien différent avec l’animal, alors le deuil va être vécu différemment. Pareil pour les enfants, les adolescents : chacun vivra son deuil de façon unique selon le lien qu’il aura eu avec l’animal.
Certains parents, par exemple, n’auraient pas pensé que leur enfant pouvait avoir tant de peine que ça suite à la perte de leur animal de compagnie. Lynne explique que quand l’enfant emmenait le chien ou le chat dans sa chambre, il lui racontait peut-être pas mal de choses. Donc, l’enfant est très affecté par la perte, car il perd un confident. Le deuil dépend du rôle que l’animal a joué dans la vie de la personne et il est différent pour chacun.
7:04: J’ajoute que la perte d’un animal affecte beaucoup plus les enfants qu’on ne le pense. Par exemple, j’ai entendu dire que certains enfants régressent dans leur développement quand ils perdent leur animal et ils ont vraiment de la difficulté à passer au travers. Lynne explique que l’animal de compagnie, qui sont principalement les chiens et les chats, joue un rôle «calmant» : quand on le flatte, et cela permet de faire diminuer l’anxiété. Cela est prouvé, il y a beaucoup d’études à ce sujet que l’on peut facilement trouver sur Internet.
Et de plus en plus, les études tendent à prouver qu’un animal de compagnie peut aussi faire augmenter la confiance en soi. Par exemple, un enfant ou un adolescent qui a des responsabilités envers son animal (le faire marcher, lui donner la nourriture, changer son eau, sa litière), ça le responsabilise, ça lui donne de la confiance en soi. Lynne donne l’exemple des ados qui, lorsqu’ils promènent leur gros chien, se font moins intimider.
Je réalise que je n’avais jamais pensé à ça et ça me fait réaliser que c’est large, l’impact d’un animal de compagnie dans la vie des gens! Lynne présente un autre cas de figure : il y a des chiens qui, dans un sens, «protègent» les femmes victimes de violence conjugale, car tant que l’animal est vivant elles se sentent plus à l’abri de la violence du conjoint, alors elles sont moins dans l’urgence de quitter le domicile. Mais quand l’animal décède, elles réalisent qu’il n’y a plus personne pour les protéger, pour tenir le conjoint un peu à l’écart. Lynne ajoute qu’elle en a entendu de toutes les couleurs dans sa pratique!
8:50: Je demande à Lynne s’il y a plus une «catégorie» de personnes qui vient la voir, ou si c’est plutôt varié. Elle répond que c’est varié, mais que ce sont beaucoup des femmes de plus de 45 ans qui vont la contacter en premier pour avoir une consultation. Du côté des hommes, ils la contactent lorsqu’ils appréhendent le décès de l’animal, par exemple lorsqu’ils doivent prendre la décision de l’euthanasie, ou lorsqu’ils apprennent que l’animal est malade ou vieillissant… Lynne et moi, on précise qu’on n’«apprend» pas que l’animal est vieillissant, c’est plutôt que la personne réalise que la fin approche. À ce moment-là, plusieurs hommes la contactent.
9:52: Lynne ajoute que souvent, quand les hommes vont faire euthanasier leur animal, ils sont extrêmement surpris des émotions que cela leur fait vivre. Ils ne vont pas demander nécessairement tout de suite une consultation, mais ils vont lui écrire, lui poser des questions telles que «Est-ce que je suis normal?» Lynne dit que c’est la question qui revient le plus souvent. Je reformule pour plus de précision : «Est-ce que je suis normal de vivre cette émotion-là après le décès de mon animal?» Lynne acquiesce, et je poursuis : «… ou pour mon animal qui va décéder? Car il y a sûrement des gens qui consultent avant», et Lynne de répondre que oui, il y a pas mal de gens qui consultent avant le départ de l’animal, pour se préparer.
10:27: Je dis que c’est équilibré de consulter avant le décès de son animal de compagnie, car ça permet de se préparer au lieu d’être sous le choc. Lynne complète en disant que de se préparer avant, c’est mieux car la personne peut en parler sans toutes les émotions qui viennent avec, et elle peut préparer aussi les enfants, les adolescents. Il arrive souvent aussi qu’une personne âgée doive déménager, soit par cause de maladie ou autre, et qu’elle ne puisse plus s’occuper de son animal. Alors Lynne dit : «Pourquoi ne pas en parler avant avec la personne?» Cela lui permettrait de réfléchir de ce qu’elle veut pour la suite pour son animal. Car il se peut qu’elle veuille le faire euthanasier parce que l’animal est trop vieux, ou bien elle préfère le faire adopter car elle pourra encore le voir. Je conclue qu’il y a tous les cas de figure dans ces situations.
11:30: J’élargis la discussion en disant qu’on vient de parler de la famille, des proches qui vivent avec l’animal, mais il y a des répercussions bien plus larges lors du décès de celui-ci. Lynne acquiesce et précise qu’il y a des répercussions au travail, entre autres, et que la perte peut créer du «présentéisme» (se jeter à corps perdu dans le travail) ou de l’absentéisme. Les conséquences sont les mêmes dans les deux cas : la personne n’est aucunement fonctionnelle, elle est incapable de se concentrer parce qu’elle pense constamment au décès de l’animal. Et ce qui est difficile aussi, c’est l’attitude des patrons et des collègues de travail qui ne comprennent pas. Mais plus ça va aller, plus le deuil sera accepté, explique Lynne.
Je précise le propos de Lynne en lui demandant que ce n’est pas tout à fait accepté parce que les gens autour disent : «Ben voyons, c’est juste un chien, un chat»? Elle confirme et on est d’accord toutes les deux pour dire que cette phrase-là, on l’entend très souvent. Ou, ajoute Lynne, les gens disent à la personne qu’elle a juste à aller se chercher un autre animal ou «enfin, tu vas pouvoir voyager comme tu voulais, avoir des vacances sans te chercher une garderie, sans t’empêcher de faire ce que tu as envie…»
Je dis que ces énoncés sont d’autant plus difficiles à accepter parce que ce n’est pas cela qu’on a le goût d’entendre, on a plutôt envie d’être écouté. Et d’être accueilli dans son deuil, ajoute Lynne, comme pour un deuil humain. Quand on annonce à quelqu’un que notre conjoint ou un de nos parents est décédé, on ne se fera pas dire : «Ok, oui, mais reviens-en!» Pourtant, la douleur est la même, je dis à Lynne. Elle ajoute que oui, la douleur est la même, sinon plus parfois, parce qu’il y a de plus en plus de gens qui travaillent à la maison, et qui sont 24 heures/24 avec leur animal. Et ça crée des liens forts. Et pour ceux qui travaillent à l’extérieur, ils sont tellement bien accueillis par le chat ou le chien quand ils reviennent à la maison que le lien est fort aussi! Nos animaux nous manifestent de l’amour inconditionnel tout le temps, et jamais ils vont nous reprocher d’avoir mal fait quelque chose.
Je ponctue avec émotion que oui, un chien (ou un chat), ça t’aime! Et Lynne d’ajouter que ça t’aime comme tu es! Et que c’est pour cette raison que parfois la douleur est très forte en cas du décès de l’animal. Je résume en disant que c’est de toute façon un membre de la famille, mais que c’est vrai que les gens sont moins bien accueillis pour le deuil d’un animal de compagnie. Lynne conclue qu’elle travaille fort pour démystifier ces idées reçues.
14:33: J’aborde le sujet des amis, car la réaction des amis n’est pas toujours appropriée dans le cas du deuil d’un animal de compagnie. Je demande à Lynne si cet événement fait qu’on découvre vraiment ses amis? Est-ce qu’on peut dire ça?
Lynne a une réponse très intéressante à cette question. Elle dit que ce n’est pas parce que les amis n’ont pas une réaction appropriée que nécessairement, ce ne sont pas de bons amis. Certaines personnes sont mal à l’aise, d’autres sont maladroites. C’est leur façon de s’exprimer qui n’est pas adéquate.
J’expose le fait que, comme on a dit au début, la mort est tabou, que ce soit pour un humain ou un animal, alors le sujet est très difficile à aborder et les gens sont mal à l’aise d’en parler. Lynne raconte que c’est pour cette raison qu’il existe le Salon de la Mort une fois par année, c’est pour démystifier tout cet univers, autant pour les gens qui travaillent dans le milieu et qui aident les endeuillés à apprivoiser ce monde, autant pour aider des personnes à se préparer avant. Je demande à Lynne si elle est présente à ce salon. Elle répond qu’elle y était en 2018 pour donner une conférence sur le deuil animalier. La salle était pleine et beaucoup de gens sont restés après la conférence pour poser des questions, et qui ont ensuite acheté son livre pour en savoir plus.
Je constate que les gens sont curieux mais qu’ils n’osent pas parler du deuil animalier. Avec Lynne, ils ont au moins une fenêtre ouverte pour parler avec quelqu’un. Et je précise que je trouve ça vraiment important.
Lynne ajoute qu’elle publie des articles de blogue sur son site sur le sujet, et qu’elle fait régulièrement des Facebook Live qui sont toujours disponibles sur sa page.
17:06: J’ouvre un nouveau sujet en disant que pour les gens qui vivent un deuil et qui ne savent pas vers qui se tourner parce qu’il y a un manque d’écoute autour ou bien simplement parce qu’ils ont besoin de parler, je demande à Lynne comment ça se passe concrètement pour aborder ses services.
Elle répond que dans un premier temps, elle offre un 15 minutes gratuit, pour écouter la personne et lui permettre de ventiler son émotion, car il y a un grand besoin de ça dans l’immédiat. Ensuite, et selon la discussion qu’elle a eu avec la personne, Lynne va proposer ou non de la consultation avec elle (elle a différents forfaits). Pendant une des rencontres, elle prend un 20 minutes avec une travailleuse sociale spécialisée en deuil animalier avec qui elle s’est associée pour que le client ou la cliente la rencontre. Après ce 20 minutes, le client ou la cliente revient avec Lynne quelque temps. Cela donne l’occasion au client ou à la cliente de savoir si il ou elle veut continuer avec la travailleuse sociale, ou bien de rester avec Lynne. Ou encore de continuer avec un ou une psychologue que Lynne peut référer. Bref, les clients ont plusieurs choix pour être soutenus dans leur processus de deuil.
Je résume en disant que les gens ont quelqu’un pour les écouter, et que Lynne est la bonne personne pour cerner leurs besoins et leur proposer différentes options, que les gens ont le choix d’accepter ou non. Le fait que Lynne ait différentes ressources à leur proposer est super, car souvent, les gens se sentent seuls. Et Lynne ajoute que ça permet à ces personnes d’être à l’aise avec quelqu’un de simple, d’ordinaire et qui est à l’écoute, car elle n’a pas de «titre» tel que psychologue ou travailleuse sociale.
Je blague en ajoutant qu’elle a deux oreilles, par exemple! Et Lynne ajoute qu’en plus, elle a une spécialité dans le deuil animalier, ce qui permet à chaque personne d’être en confiance et d’être entendue. Ensuite, Lynne fait le pont avec la travailleuse sociale, la psychologue, ce qui facilite les relations.
Lynne précise qu’à partir de l’automne 2019, elle va toujours référer des gens qui auront suivi sa formation. Elle va former des intervenants qui sont déjà habitués d’accompagner des gens dans le deuil, mais qui vont ajouter à leur bagage la spécialité du deuil animalier.
20:38: Je demande à Lynne si elle aurait des belles histoires à nous raconter. Elle dit que ce sont toutes de belles histoires! Elle explique qu’en général, les gens qui l’appellent sont désespérés, ils pensent même qu’ils sont à la limite de devenir fous ou folles. Mais après quelques rencontres, ils sont un peu plus sereins ou sereines. Et ce qu’elle apprécie de ces clients-là, c’est qu’ils aient pris le temps d’écouter le mal qui les habitaient et qu’ils aient réalisé que ce n’est pas dans leur entourage qu’ils auraient pu avoir l’aide dont ils avaient besoin parce qu’on leur dit habituellement d’arrêter d’en parler. Lynne dit que souvent, l’entourage accepte d’entendre parler de l’émotion ou de la douleur une journée ou deux, mais qu’après elle fait comprendre à la personne de changer de disque. Et c’est là que la personne a besoin d’aide.
Lynne félicite tout le temps ces personnes, parce qu’elles ont eu le courage de demander de l’aide, de se dire : « Je trouve ça pas mal plus difficile que je ne le pensais.» Ou parfois d’autres personnes appellent, viennent s’informer pour un proche, et savoir s’ils lui disent les bonnes choses.
J’interviens en disant que parfois, certaines personnes ont honte de vivre un deuil à cause de la pression sociale et du regard des autres. Lynne renchérit en disant que le deuil animalier est un deuil émergent et que le rôle des animaux a beaucoup changé depuis les 50 dernières années, mais que la société n’a pas nécessairement suivi le mouvement. De plus, ajoute Lynne, certaines personnes qui n’ont jamais eu d’animaux ou qui n’en voudront jamais trouvent parfois trop lourd le deuil d’un proche qui a perdu son animal de compagnie. Elle raconte que la vétérinaire qui a signé la préface de son livre propose de laisser traîner le livre pour ces personnes, pour leur permettre de comprendre ce qu’est le deuil animalier. J’ajoute que ça peut leur donner quelque chose à quoi se raccrocher.
23:27: Quand quelqu’un contacte Lynne, elle leur demande toujours qui l’a référée, comment n l’a trouvée, car il y a gens de partout en francophonie, de la France, de la Suisse, etc., qui l’approchent.
J’ajoute que, maintenant qu’elle fait de la formation, ça agrandit de beaucoup son réseau. Lynne rebondit sur ce que je viens de dire pour me parler de son objectif d’entreprise. Elle raconte qu’à ses débuts sur Internet, son but était de démystifier les deuils de la vie. Parce que oui, parmi les deuils, il y a celui des êtres chers et celui de notre animal de compagnie, mais ça déborde largement de ce cadre : déménagement, départ à la retraite, enfants qui partent de la maison, ménopause, etc., il y en a toute une panoplie! Lynne explique que les gens ne réalisent toutefois pas que ce sont des deuils. Par exemple, même un changement de département au travail est un deuil!
Je mets mon grain de sel en disant que la vieillesse est sans contredit une série de deuils! La vieillesse, la perte d’autonomie, la maladie, les accidents amènent différents deuils aussi.
24:49: Tout à coup, Lynne a une petite hésitation, car elle constate qu’elle s’est éloignée de son propos, qui est de nous exposer son objectif d’entreprise. On constate en riant que Lynne a fait une grande-grande parenthèse, et elle ajoute que les personnes qui viennent à ses conférences savent qu’elle est douée pour faire des parenthèses! Moi, je dis en riant que l’important, c’est qu’on retrouve notre chemin!
Lynne répète donc que sa mission est de démystifier les deuils de la vie, mais de plus en plus, elle se concentre à démystifier le deuil animalier pour le bien des gens qui le vivent ou qui ont à l’apprivoiser ou qui l’appréhendent, de façon qu’ils puissent sortir de l’isolement et qu’ils se permettent d’en parler autour d’eux. Que chacun puisse se permettre de dire à un patron qu’il ne rentrera pas au travail une journée et que si le patron demande pourquoi, que la personne puisse parler de la perte de son animal sans se faire rire au nez. Mieux, qu’il soit considéré pour l’avoir fait.
La mission de Lynne consiste donc à ce que le deuil animalier arrête d’être banalisé et qu’il soit considéré comme un deuil à part entière. Je dis à Lynne que c’est une très belle mission. Elle est, bien sûr, d’accord, et elle ajoute que, de plus en plus, elle a du plaisir à l’accomplir. Elle avoue qu’au début, elle a trouvé ça très ardu car beaucoup de personnes lui ont mis des bâtons dans les roues. Je l’interromps pour savoir si c’est au niveau émotionnel qu’elle a trouvé ça ardu ou bien c’est à cause d’éléments extérieurs? Lynne répond que c’est à cause d’éléments extérieurs, car le deuil animalier est une nouvelle avenue et il y a beaucoup de monde à éduquer. Il y a de la résistance à certains endroits…
26: 55: Lynne raconte qu’elle produit des vidéos informatives pour un programme d’aide aux employés pour les grandes entreprises, et on lui a expressément demandé une capsule sur le deuil animalier. Elle parle de ça pour montrer qu’il commence à y avoir une ouverture dans ce domaine. Je dis à Lynne qu’il y a donc une ouverture qui se fait et qu’elle s’y engouffre tranquillement. Elle reformule en souriant : «On sème des graines et ça pousse!»
Je demande à Lynne comment elle voit l’avenir de son entreprise. Elle répond : «Très florissante». Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est d’entendre les travailleurs sociaux, les psychologues, et les intervenants dans le domaine qui veulent avoir des formations en deuil animalier. Cette demande interpelle beaucoup Lynne, car elle se dit que plus les professionnels suivront ces formations, plus ils pourront aider adéquatement ses clients à elle ou les personnes qui vivent un deuil et ce, partout en francophonie. Car Lynne a commencé au Québec, mais elle vise la France, la Suisse, la Belgique, c’est-à-dire la francophonie hors Amérique. D’ailleurs, la France l’attend à l’automne 2019.
Lynne précise d’ailleurs que les vidéos informatives qu’elle produit pour le programme d’aide aux employés pour les grandes entreprises vise tout l’Amérique du Nord. Elle admet que ça participe à bâtir sa notoriété, mais surtout ça aide beaucoup de gens. Je complète en disant que cela fait plusieurs années qu’elle bâtit son entreprise, alors il est normal que ça commence à prendre de l’ampleur. Et Lynne d’ajouter qu’elle le fait avec tout son cœur et tout son amour. Je n’hésite pas à lui dire que je le sais, car je la vois aller!
Lynne explique qu’elle a été endeuillée depuis qu’elle est jeune, elle a vécu toutes sortes de deuils et c’est pour ça qu’à 14 ans, puisqu’elle n’a pas été accueillie dans les deuils qu’elle a vécus autant qu’elle aurait voulu, elle s’est dit : «Un jour… [j’accueillerai dignement les gens dans leur deuil].»
Je lui dis que je comprends ça, car souvent, on va offrir aux autres ce qu’on aurait aimé avoir dans nos expériences de vie et qu’on a pas eu. Et c’est ça qui est beau!
29:40: Et voilà, nous arrivons à la fin de l’entrevue, alors je pose à Lynne ma fameuse question : «As-tu déjà fait quelque chose dans ta vie que tu considères aujourd’hui comme étant une erreur, mais que, même si tu avais le pouvoir de changer cette chose, tu la referais quand même? Autrement dit, est-ce que cette erreur-là t’a emmenée ailleurs, ce qui fait que cette erreur-là, tu as bien fait de la faire?»
Lynne est surprise et répond que c’est tellement drôle que je lui pose cette question!
Ce qui lui vient tout de suite à l’esprit, c’est cet aveu : «Moi, je suis une meurtrière.». À mon tour d’être surprise! Elle explique que quand elle avait 4 ans (et nous invite à visionner sa conférence au TEDx de 2012, où elle en parle : ), elle a voulu donner un bain à des chiots. Sa sœur et elle venaient d’avoir des petits chiots. Ils étaient beaux et gentils, ils sentaient bons. Elle est allée faire couler de l’eau dans le bain, mais elle a juste fait couler l’eau chaude… (Je souffre juste à entendre ça!) Heureusement, elle nous épargne les détails. Alors c’est pour ça qu’elle affirme être une meurtrière. Et elle ajoute : «Mais regarde où ça m’a menée!»
Lynne précise que c’était la première expérience de deuil de sa vie. Je m’exclame que ça dû être terrible! Elle précise qu’elle ne s’en rappelle pas tant que ça, mais elle se souvient de certaines images et surtout de la réaction de ses parents. Et elle croit que c’est à ce moment-là que ses parents n’ont pas eu le choix de lui dire à elle et à sa sœur c’est quoi être mort. Parce que là, elles se retrouvaient sans chien. Lynne conclue que oui, ça été une grave-grave erreur, quoique pas volontaire, mais ça fait qu’elle est dans le deuil animalier alors elle comprend un enfant qui vit le deuil de son animal.
Lynne trouve vraiment intéressante ma question, car cela lui fait réaliser le lien entre cet événement de son passé et le métier qu’elle pratique aujourd’hui. Je lui confie que j’adore poser cette question à mes invités! Je laisser l’idée, la réponse monter, et ça fait faire des liens aux gens. Car d’habitude, on demande plutôt aux gens leurs «bons coups», mais je trouve intéressant de poser la question autrement. J’avoue humblement que ce n’est pas moi qui l’ai inventée, cette question, mais je l’ai récupérée car je la trouve vraiment intéressante.
32:45: Je remercie Lynne de ce très bon moment passé en sa compagnie, ça nous a permis de mieux nous connaître l’une l’autre et de vous faire découvrir cette femme charmante. Merci également à vous de nous avoir écouté!