Début : Je suis heureuse et flattée de recevoir aujourd’hui la docteure Marion Desmarchelier, médecin vétérinaire comportementaliste et professeure à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Avant que je lui pose des questions plus précises sur la médication chez le chien, sujet toujours tabou, je lui demande de nous raconter brièvement son parcours.
Elle se présente comme une vétérinaire, diplômée en France il y a longtemps – «aussi longtemps que l’âge de mon chat!», dit-elle. Elle a voulu être vétérinaire pour tous les animaux et c’est ce qu’elle est parvenue à faire, même si au départ elle pensait plutôt faire de la clientèle mixte: chevaux, vaches, chiens et chats; aujourd’hui, elle s’occupe de tous les animaux du monde.
Marion a d’abord fait une première spécialisation en médecine zoologique, ce qui lui permet de soigner des colibris comme des éléphants. Elle a enseigné en médecine zoologique pendant plusieurs années au Canada, et là, plus récemment, elle a complété une deuxième spécialité, qui lui tient tout autant à cœur, c’est-à-dire la médecine du comportement. Aujourd’hui, elle a ces deux spécialités, et est également professeure à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Avec ses deux casquettes de spécialiste, elle se décrit avant tout une «super généraliste» des animaux.
2:16 : J’aimerais qu’elle nous éclaircisse sur ce qu’est un vétérinaire comportementaliste pour que les gens connaissent plus cette spécialité.
Pour expliquer de façon simple et un peu imagée, Marion aime bien comparer avec les humains ce qui s’applique aux animaux, parce que souvent, on comprend mieux, à cause de l’organisation qui régit les catégories humaines.
Elle prend l’exemple d’un enfant qui n’est pas super sage. En tant qu’éducatrice ou maman, l’idée, c’est de bien lui expliquer les choses de base pour qu’il ait un bon comportement, comment on doit se comporter en société; ensuite, quand un enfant a vraiment des problèmes plus sérieux, des difficultés à l’école, etc., on peut aller voir un psychologue, ou un professionnel de la santé, qui va pouvoir l’aider. Mais quand, malheureusement, le psychologue ne peut pas aller au-delà d’un certain point, d’une certaine limite parce que l’enfant a une véritable maladie, dit-elle, et bien là, on va voir le psychiatre.
Elle explique que pour elle, il y a trois niveaux d’intervenants chez les humains: les éducatrices, les psychologues, et les psychiatres. Si on voulait que chez les animaux ce soit la même chose, elle serait au niveau du psychiatre.
3:35 : Je lui réponds suivant sa logique que je serais plutôt au niveau du psychologue. En tant qu’éducateur canin, on voit la plupart du temps des chiens qui ont des troubles de comportement et on est capable de travailler avec eux, parce qu’ils sont capables d’apprentissage mental. Mais parfois les problèmes sont tellement importants que le chien n’est même pas capable de réfléchir et qu’à ce moment-là non plus on n’est pas capable de travailler avec lui. Donc, j’imagine que c’est à ce moment-là qu’on pense au psychiatre? Et qu’on pense à donner une médication au chien pour lui donner la capacité d’apprendre? Si oui, à quel moment?
Marion me répond qu’en fait, ce qui se passe, c’est que comme «psychiatres» des animaux, ce n’est pas toujours avec la médication que les vétérinaires comportementalistes travaillent. Elle est d’accord sur la situation que je viens d’évoquer, à savoir que parfois certains animaux sont incapables de se mettre dans un état d’apprentissage, et que ça provoque des problèmes de comportement. Dans 80-90% de ces cas, ce que les vétérinaires comportementalistes vont faire, c’est d’aller voir quel neurotransmetteur ne fonctionne pas bien dans le cerveau de ces animaux-là, quelles voies sont atteintes, et puis comment faire pour les aider. Souvent, c’est en mettant en place une thérapie comportementale, qui peut être donnée par les éducateurs canins, et ajouter éventuellement en même temps une médication.
5:00 : Mais la médecine vétérinaire comportementaliste est plus vaste que ça, parce qu’il y a beaucoup de maladies qui peuvent affecter le comportement des chiens. En effet, quand ce sont les neurotransmetteurs qui sont affectés, on va donner une certaine médication qui va être psychotrope, c’est-à-dire qui a un effet sur le cerveau, et qui induit directement un effet sur le comportement, mais en fait, il y a énormément d’autres maladies qui peuvent provoquer des problèmes de comportement.
Elle nous donne un exemple tout simple: des chiens qui ont des allergies alimentaires, mais qui ont juste mal au ventre. Marion nous explique que les chiens qui ont mal au ventre parce qu’ils ont des intolérances alimentaires n’ont pas nécessairement des gros signes digestifs qui seraient évidents, mais le fait d’avoir tout le temps mal au ventre peut les mettre de mauvaise humeur, donc les stresser, et rendre leur niveau de patience ou de réactivité plus bas.
5:58 : En médecine du comportement, Marion évalue la totalité du chien. Tout ce qui pourrait lui faire mal, tout ce qui pourrait ne pas fonctionner dans son cerveau, même les affections cutanées. «On le sait, nous, si on se gratte toute la journée, on n’est pas bien, les enfants rentrent de l’école, on va leur crier dessus parce qu’on est énervé, on est stressé.»
Marion travaille donc vraiment sur l’ensemble de la santé du chien et les liens, très importants, entre le cerveau et tous les autres organes. Parce qu’un animal peut être anxieux, avoir une réactivité augmentée, ne pas bien apprendre, et, en même temps, avoir des problèmes de santé qui sont liés de façon assez directe à son comportement. Elle nous rappelle que la peau, par exemple;, le système digestif et la vessie sont liés directement au cerveau.
Elle donne l’exemple des chats qui ont des cystites idiopathiques (idiopathique: dont on ne connaît pas la cause) et vont alors uriner du sang. Ces chats-là vont avoir extrêmement mal, mais ça peut être simplement causé par le stress.
Elle va soigner certains problèmes de comportement reliés à des problèmes de neurotransmetteurs et qui ont donc besoin d’une médication, mais comme vétérinaire comportementaliste, elle fait beaucoup plus que ça et va aussi soigner les problèmes médicaux secondaires au stress et à l’anxiété. «La médecine vétérinaire comportementaliste, c’est quand même très large, ce n’est pas juste donner du prozac aux chiens.»
7:28 : Je lui réponds que c’est très juste, parce que le chien ne peut pas nous dire ce qui ne va pas. Parfois, ça se voit parce qu’il a des problèmes de peau, par exemple, mais des problèmes du système digestif et de la vessie, ça ne s’exprime pas, pour un chien, sauf justement dans son comportement. J’ajoute que j’en sais quelque chose, car mon chien a eu des problèmes d’intolérance alimentaire, donc je comprends tout à fait de quoi elle parle. Je résume donc: on commence par soigner la santé, puis on voit si le comportement se modifie. Après, on voit s’il y a lieu d’aller plus loin ou non avec de la médication psychotrope.
Je demande à Marion qu’elle nous explique les effets physiques du stress et de l’anxiété dans le corps.
Nous rions, car le sujet est très large!
Elle commence en faisant d’abord la distinction entre le stress et l’anxiété, qui ne sont pas exactement pareils. Elle nous dit qu’il y a plein de définitions de l’anxiété et que ce n’est pas nécessairement la même chose chez les humains et chez les animaux. Pour les vétérinaires comportementalistes, l’anxiété, c’est une maladie des neurotransmetteurs. Quelque chose qui a besoin d’être soigné, qui est anormal. Par exemple lorsque, dans une même situation, moins de 1% des chiens se comportent de façon anormale, là on peut possiblement parler d’anxiété. Alors que le stress, nous dit Marion, c’est quelque chose que tout le monde vit, c’est normal, ça fait partie de la vie.
9:04 : Donc, si on regarde les effets du stress, par exemple le stress aigu, on est faits pour ça, nous dit Marion, on réagit, puis on se calme à nouveau, tout va bien, ce n’est pas grave. Le problème, selon elle, dans nos vies et dans celles de nos chiens parfois, c’est le stress chronique, c’est-à-dire le stress qui se répète toujours, sans jamais redescendre, ce qui fait sécréter à notre corps des hormones de stress. Elle donne comme exemple l’adrénaline, ou encore l’épinéphrine, l’hormone qui fait dresser les poils sur le dos des chiens, qu’on appelle la «piloérection». Marion nous rappelle que la sécrétion de ces hormones, c’est bon pour survivre à court terme, mais qu’à long terme, ce n’est pas bon, car ça fait augmenter la fréquence cardiaque, ça fatigue, et ça augmente le sucre dans le sang.
La deuxième vague d’hormones qui va être sécrétée quand on stresse, sont les corticostéroïdes comme la cortisone et le cortisol (les hormones peuvent varier selon les espèces), qui permettent de survivre dans l’urgence, qui donnent au corps beaucoup d’énergie pour fuir. Ces hormones ne servent pas à lutter contre des maladies ou pour bien vivre. Marion ajoute que le stress chronique va notamment faire baisser notre système immunitaire et donc, qu’un niveau de stress élevé va augmenter les risques de diabète et, en général, notre résistance aux maladies.
10:31 : J’acquiesce, et j’ajoute que cela baisse notre résistance à la vie en général.
Marion poursuit que cela affecte la résilience et qu’à long terme, le stress chronique va débalancer nos neurotransmetteurs, c’est-à-dire tout ce qui fait fonctionner notre cerveau correctement, la sérotonine, la dopamine, etc. Ces hormones fonctionnent bien ensemble, pas individuellement.
C’est compliqué, ajoute-t-elle, et malheureusement, il ne s’agit pas de se dire qu’un peu de sérotonine suffit à être plus heureux, ce n’est pas comme ça que cela fonctionne. Selon elle, il faut travailler les neurones de la sérotonine et les renforcer en répétant-répétant-répétant sans cesse les comportements pour créer des «voies» de l’apprentissage. Et des fois, ça prend des médicaments pour aider à recréer ces voies-là.
11:15 : Je demande à Marion que, si je comprends bien, elle veut dire que sans médication, mais en travaillant le comportement, on peut replacer aussi les neurotransmetteurs, c’est-à-dire rétablir un équilibre entre les neurones dans le cerveau.
Elle répond que oui, c’est ce que tout le monde fait dans la vie de tous les jours en s’adaptant à une situation, et c’est ce que les éducateurs font en réapprenant des bons comportements aux chiens. Seulement, parfois, on n’y arrive pas. Il y a plein de raisons pour lesquelles on n’y arrive pas, et à ce moment-là, ça peut prendre de la médication pour les neurotransmetteurs, mais aussi des médicaments pour d’autres choses.
Elle insiste sur le fait que si le chien a mal et qu’il ne peut pas faire le comportement demandé, eh bien il faut lui donner des antidouleurs, pas des antidépresseurs!
Marion rappelle qu’il faut toujours bien regarder les raisons pour lesquelles une thérapie comportementale ne fonctionne pas très bien.
12:12 : Marion explique que c’est toujours la même chose: avec la médication, l’idée, c’est de refaire de bonnes voies, des autoroutes dans le cerveau. Plus on fait quelque chose, plus notre cerveau s’y fait, plus ça devient facile, et au final, on n’y réfléchit même plus. Par exemple, si une personne va au travail en voiture par la même route du lundi au vendredi, puis qu’elle part le samedi matin et qu’elle prend encore la même route mais cette fois pour aller ailleurs, il est possible que son cerveau l’emmène tout de même au travail. Cette personne va tellement toujours au même endroit qu’elle n’y réfléchit même plus. Et le problème, nous dit Marion, c’est que si ce comportement était une mauvaise habitude, et qu’il faut changer cette habitude, il faudra alors pratiquer et répéter un autre comportement afin de créer une autre autoroute dans notre cerveau.
13:00 : Malheureusement, certains comportements ont parfois été tellement renforcés positivement (que ce soit par du bien-être, par exemple le sucre ou la «drogue» – ces choses qui agissent de la même façon dans le cerveau) que cela est très difficile à remplacer.
Si le nouveau comportement est répété de multiples fois et que la personne se force à le faire, explique Marion, elle aura sans doute de bons résultats, mais c’est parce qu’en tant qu’humain.e, on a la volonté de le faire. Ce que le chien n’a pas. Lui, il faut toujours le forcer.
Et quand l’émotion est positive, c’est plus facile et motivant à changer. Mais quand l’émotion est négative, là c’est une autre paire de manches.
Elle prend l’exemple d’un chien qui a été terrorisé par une même chose énormément de fois et que cette situation ne cesse de se répéter, comme un chien qui est terrorisé par des feuilles mortes qui induisent chez lui une émotion de terreur. Même s’il n’a jamais été battu par des feuilles mortes, le chien ne pourra pas bien apprendre, puisqu’il est avant tout submergé par une émotion de terreur lorsque mis en présence de feuilles mortes.
Alors, selon Marion, ça prend parfois des médicaments pour permettre de réapprendre à l’animal que les feuilles mortes ne sont pas un élément qui menace sa vie ou, par exemple, que d’être tout seul à la maison n’est pas un danger mortel.
14:11 : Pour elle, lorsqu’il est question de médicament, on parle de maladie, parce que c’est un très petit pourcentage de chiens qui sont réellement «malades». Si elle identifie chez son patient-chien un phénomène que vivent 80% des chiens, ou même 50% des chiens, ce n’est pas anormal.
Elle poursuit son explication: «Prenez un cheval. Vous vous mettez à côté et vous tirez un coup de feu. Il va partir en courant. Ça ne veut pas dire que sa réactivité est élevée! Tous les chevaux vont faire ça, c’est normal. Il n’a pas besoin de médicaments.» Par contre, un chien qui réagit comme un cheval en panique à la vue d’un cône orange dans une rue en construction, ça c’est plutôt anormal, parce que moins de 1% des chiens font ça. Si le chien n’arrive pas à apprendre malgré la nourriture, les exercices et qu’il ne s’habitue pas à la présence du cône orange (par exemple), ça prend une consultation chez un vétérinaire comportementaliste.
15:05 : Je suis complètement d’accord avec elle. Personnellement, je compare cela à un phobique des espaces clos qui est seul dans un ascenseur. Il ne faut même pas lui demander de calculer «1 + 1 = 2», il ne sera pas capable, car il se trouve dans un état de panique aiguë. Si ce genre de terreur ne passe pas, j’imagine donc que c’est là que l’on commence à penser à la médication pour que la personne ou l’animal puisse réapprendre.
Marion acquiesce. Ce qu’elle veut que nous comprenions, c’est que ce sont des mécanismes normaux, car le cerveau se protège. Elle donne l’exemple de quelqu’un qui fait du ski et qu’une avalanche lui arrive dessus. On aura beau donner à cette personne des mangues séchées ou du nutella – elle prend cet exemple, car ce sont des choses qu’elle adore manger – cela ne changera rien au comportement de la personne en détresse, parce que tout ce qu’elle veut, c’est se sauver de cette avalanche pour survivre. Donc, précise-t-elle, quand les animaux sont dans ce mode «urgence», ils ne pensent à rien d’autre, ils ne nous voient plus, ils ne nous entendent plus. Même si on est là pour eux, la seule chose qui compte, c’est de survivre. Pourquoi? Parce que toutes les hormones de leur corps leur disent de faire ça. Et c’est pour ça que des fois on a besoin d’aide.
16:08 : Je dis qu’en effet, un chien, un humain, ou n’importe quel animal ne doit pas être en mode «survie» 24h/jour. Ça, c’est anormal. Je demande à Marion comment elle fait dans son métier pour choisir la bonne médication à prescrire, comment choisit-elle une molécule plutôt qu’une autre pour ses patients?
Elle me dit que c’est un art, car c’est compliqué et que c’est pour cette raison qu’elle et ses collègues doivent faire quatre ans d’études en spécialisation après le cours de médecine vétérinaire pour devenir vétérinaire comportementaliste. C’est de la médecine: il faut apprendre et comprendre comment fonctionne la neurochimie du cerveau, un réseau très complexe pour bien intervenir.
Elle nous raconte qu’en fait, le plus complexe, c’est que chaque individu est unique. Chaque chien va répondre différemment à une médication, à une dose différente, donc il y a beaucoup de connaissances et d’expérience à acquérir pour prendre les bonnes décisions au départ. C’est également beaucoup d’écoute et d’observation pour s’ajuster, dit-elle.
17:15 : Avec l’expérience des autres relatée dans la littérature, puis grâce à sa propre expérience en tant que vétérinaire en plus de ce qu’elle a appris pendant ses études, lorsqu’elle a un patient, elle va tout d’abord regarder sa race, son âge, et ses autres maladies, s’il y en a éventuellement.
Elle va aussi regarder sa maladie comportementale et de quel type d’anxiété souffre le chien: «Est-ce que c’est un chien qui a plus de peur, qui a plus de réactivité, etc.?» Tous les comportements qu’elle va observer lui font poser des questions aux propriétaires. Les gens, ne voyant pas toujours le lien entre les interrogations de Marion et le bien-être de leur chien, sont parfois perplexes de se faire poser certaines questions. Pour eux, ces questions n’ont pas de rapport, mais pour Marion, ça en a un.
Par exemple, si elle voit un chien qui fait de l’anxiété de séparation ou qu’il est agressif envers les étrangers, elle va toujours demander: «Est-ce qu’il sursaute, comment il s’habitue aux nouveaux objets, etc.» Elle va faire plein de tests pour savoir comment fonctionnent les différents neurotransmetteurs dans le cerveau du chien. Selon les réponses qu’elle obtient de ses questions, elle peut s’en poser d’autres: «Est-ce que c’est un chien qui a un peu plus de problème avec son adrénaline qui monte trop vite, est-ce que c’est un chien qui a un problème avec ses loops de la dopamine, est-ce que c’est un chien qui manque de sérotonine ou au contraire, qui en a trop?» En tant que vétérinaire comportementaliste, Marion va examiner tout ça, et elle va choisir la médication qu’elle croit adaptée et qui, dans son expérience, a fonctionné le mieux avec des patients similaires. Parce qu’il n’y en a jamais deux pareils.
18:34 : Par exemple, dans son expérience, pour traiter les Border Collies qui tournent après leur queue, 9 sur 10 de ses patients qui se comportaient comme cela ont bien répondu à une molécule en particulier. Elle va donc commencer par les médicamenter avec celle-là.
Bien sûr que ça se peut que ça ne fonctionne pas et que le chien ait davantage besoin d’une autre médication, d’une autre dose, etc. Il faut donc aussi parfois fonctionner par essais-erreurs. Évidemment, elle prend aussi en compte le facteur économique, car certains médicaments sont beaucoup trop chers pour les clients.
Parfois, elle va commencer par prescrire un médicament moins cher, en disant que ce ne sera peut-être pas l’idéal, mais que si ça fonctionne assez bien, c’est tant mieux.
19:33 : Je trouve que c’est normal de devoir s’ajuster, c’est comme pour les humains d’ailleurs, on s’ajuste en cours de route, selon la réponse du chien ou de la personne. J’imagine que cela dépend, mais je demande à Marion s’il y a des chiens qui ont des médicaments à vie et d’autres pour qui c’est temporaire, dépendamment du problème? De quoi cela dépend-il?
Elle me répond que normalement, la médication n’est jamais à vie, parce qu’en fait, elle aide à refaire des synapses dans le cerveau, aide à refaire des connexions, et que ces connexions-là, résultent aussi en de bons comportements. Donc la médication aide la croissance et le reformatage du cerveau dans la bonne direction.
Mais faut-il encore que les bons comportements soient travaillés. C’est pour ça qu’une médication sans thérapie comportementale, selon Marion, ça ne fonctionne jamais. La médication aide le chien à présenter le bon comportement, mais ça lui permet surtout de créer «une autoroute du bon comportement» plus facilement dans son cerveau. C’est plus facile de rouler sur une autoroute que sur un petit chemin avec des arbres en plein milieu, image-t-elle. «La première fois, c’est un peu ça que le chien fait, il est comme dans une forêt. Et comme au fur et à mesure, il y a de moins en moins d’arbres au milieu, ça devient une route, puis une autoroute, et à partir du moment où l’autoroute y est, c’est plus facile.»
Marion résume en disant que les médicaments vont juste être comme «la tronçonneuse» qui va aider à couper les arbres au milieu de la forêt pour aller plus vite. Ça aide à aller beaucoup plus vite, beaucoup plus facilement, ce qui fait que les gens vont moins se décourager, là où dans certains cas, on n’aurait pas réussi. Le chien tout seul, sans tronçonneuse, il ne traverse pas la forêt. Ça nous aide à tout cela. Mais une fois que l’autoroute est faite, il n’y a plus besoin de votre tronçonneuse pour couper les arbres.
21:20 : J’ajoute que c’est vrai, puisque tout s’est replacé et que le chien a changé. En fait, il n’a pas seulement changé son comportement, il a changé son émotion derrière le comportement. Et c’est ce qu’on essaye de changer grâce à la thérapie comportementale, en fait.
Marion nous dit qu’une fois que le chien va bien et qu’il est confortable dans la situation qui était problématique, on garde la même dose de médicaments pour trois mois. Parce qu’il faut répéter, répéter, répéter, pour bien rouler sur votre autoroute. Car si on roule sur une autoroute sans l’entretenir, «les mauvaises herbes vont pousser dessus» et c’est là que les progrès du chien disparaissent. Si, par contre, pendant trois mois le chien a bien pratiqué, en général, ça se passe bien et le/la vétérinaire comportementaliste va pouvoir tranquillement baisser la dose de médication tout en restant attentive à la suite des choses.
22:10 : Quand le chien est pas mal guéri de son problème, on peut arrêter la médication. Et la plupart du temps on est capable de le faire. Par contre, elle avoue que ce n’est pas une affaire de deux mois, la médication. C’est plutôt une affaire de six, douze, dix-huit mois. Parce que le cerveau, nous rappelle-t-elle, c’est compliqué et ça lui prend du temps à refaire des réseaux. Elle en revient à mon commentaire: «Comme vous avez dit, il y a aussi toutes les émotions, les voies qui constituent les émotions, ça prend beaucoup de temps souvent à changer un comportement qui a mis des années à s’ancrer.»
On parle donc de peut être juste six mois pour des cas simples, et ça peut aller jusqu’à dix-huit mois pour des cas plus compliqués, même deux ans parfois. Mais en général, quand le chien va vraiment bien, on peut arrêter la médication tranquillement sur quelques mois.
22:53 : J’ajoute qu’il y a aussi la capacité du propriétaire à appliquer le plan d’entraînement et puis des fois, c’est plus long, parce que ce n’est pas si simple que ça tout le temps pour les gens.
Marion est d’accord. Elle rappelle que les propriétaires, ne sont pas éducateurs, ce n’est pas facile pour eux et qu’il faut aussi vraiment prendre ça en considération. Elle explique aussi que la thérapie comportementale doit être relativement mise au niveau du client. Elle a des clientes qui sont de petites mamies en fauteuil roulant, elle ne va pas leur demander de faire des exercices trop compliqués. Mais lorsque certains clients se présentent avec leur chien qui sait déjà faire 50 000 commandes, là elle se dit «yes!», on va apprendre au chien à respirer sur commande, on va leur donner des exercices plus compliqués, parce que c’est ce que ces gens veulent.
Ses bases de thérapie comportementale sont toujours les mêmes: il faut qu’elles soient simples et toujours les mêmes, car c’est du travail pour le cerveau du chien. Mais même si c’est hyper-simple, la façon dont elle mettra la thérapie comportementale en application, et l’étendra, c’est ça qui dépend beaucoup. Elle a des clients qui sont ouverts à demander l’aide d’un éducateur pour réussir la thérapie comportementale, elle le leur recommande donc. Mais quand elle voit que certains clients n’ont pas du tout de temps, elle ne leur recommandera pas de faire affaire avec un éducateur canin. Il faut toujours s’ajuster.
24:15 : Puis, il faut voir aussi qu’il y a certains chiens qui ont vraiment des maladies graves, qui souffrent d’anxiété généralisée, qui ont peur de tout, tout le temps. Alors il ne faut pas blâmer les propriétaires de ne pas toujours travailler en thérapie comportementale. Car faire un programme de désensibilisation/contre-conditionnement à chaque instant de la vie, ça devient impossible.
Elle prescrit toujours une thérapie comportementale, même pour l’anxiété de séparation, pour le retour des clients à la maison, mais c’est vrai qu’il faut quand même être honnête, pendant que les propriétaires ne sont pas là, le chien est tout seul, la thérapie comportementale, en dehors de mettre des jouets et de l’enrichissement reste un peu limitée. Marion nous dit que chez certains chiens qui font des crises de panique abominables, ça prend de la médication et que c’est surtout la médication qui va s’occuper de ces troubles.
25:10 : Elle donne ensuite l’exemple des cas d’agression entre des chiens familiers. Elle a rencontré des chiens qui vivaient ensemble et à ce moment-là c’est difficile de faire une thérapie comportementale efficace. De son expérience, plusieurs clients ne font pas vraiment de thérapie comportementale quand ils ont des problèmes entre leurs deux chiens. Dès qu’ils sortent de la nourriture, les chiens se battent, mais juste avec la médication, le chien redevient un chien qui comprend le langage de l’autre chien, et la thérapie comportementale, ils se la font tous seuls. Marion croit qu’il faut être modeste par rapport au fait que pour un cerveau normal, la thérapie comportementale, c’est la vie. «La vie nous apprend. Le chien revit des expériences, puis face à elles, il prend des meilleures décisions grâce à la médication, parce que son cerveau est comme il aurait dû être au départ, donc la thérapie se fait toute seule.»
26:09 : La médication va aider ces chiens-là, mais ensuite, les gens travaillent plus ou moins avec les vétérinaires pour réajuster la médication. Et parfois, lorsque les médicaments réussissent à améliorer le chien de 50%, cela suffit souvent aux gens, ils sont contents et trouvent que la qualité de vie du chien est correcte. Mais Marion nous confie que si elle améliore le chien juste de seulement 50%, si on arrête la médication, elle sait qu’il va rechuter.
Il y a des chiens, Marion les améliore de 50%, ils restent stables à 50% et c’est parfait. Mais il y en a pour lesquels les comportements problématiques reviennent. Elle veut aussi nous faire comprendre que ces comportements sont souvent des conditions génétiques chez le chien.
Ce sont très rarement des traumas qui ont été infligés au chien, parce que ces cas-là répondent très vite. Par exemple, beaucoup de chiens qui ont été dans des saisies ou battus et qui ont vécu des événements traumatisants, mais qui étaient toutefois équilibrés génétiquement, donc résilients, et qui n’ont pas été séparés de leur mère trop tôt, ont un cerveau prêt à résister. Grâce à la médication, ils se remettent très bien en quelques mois et les comportements problématiques ne reviennent pas.
27:22 : Ses chiens les plus difficiles, comme elle les appelle, sont des chiens qui sont nés avec des maladies génétiques vraiment importantes. Ce sont des chiens qui sont très hyperactifs, hypersensibles, et qui n’arrêtent jamais, jamais, jamais: «vous pouvez faire sept heures de vélo ou de course avec eux, ils rentrent à la maison, ils vont chercher la balle et puis ils veulent jouer, jouer, jouer.»
Ces chiens-là vivent vraiment avec des dysfonctionnements dans le cerveau qui sont difficiles à gérer, et ce sont des patients qui seront plus longs à traiter, qui auront besoin d’une médication plus longtemps, parfois à vie. Mais Marion nous dit que c’est plutôt rare. Seulement 5% de ses patients environ auront besoin de garder la médication à vie. Il y a des propriétaires qui trouvent que ça va tellement bien, qu’ils ne veulent pas arrêter la médication de leur chien.
Elle trouve cela très correct, car au final, il n’y a pas vraiment d’effets secondaires à long terme avec la plupart des médicaments psychotropes. Les chiens peuvent donc prendre des médicaments toute leur vie. Mais il faut tout de même faire attention avec les interactions entre médicaments (par ex, les antidouleurs et les antidépresseurs).
Marion précise qu’il y a bien sûr des petits effets secondaires au début d’un traitement, où certains chiens peuvent ressentir un peu de sédation, un peu de léthargie, il peut aussi être plus anxieux. C’est normal, car avant que le tout se rebalance dans leur cerveau, cela prend du temps.
Le chien peut également avoir une baisse ou une augmentation de l’appétit dépendant de sa médication. Elle ajoute que les neurotransmetteurs, puisqu’ils jouent sur tous les éléments du corps, n’affectent pas seulement les comportements. Il y a l’appétit et surtout, les émotions. Souvent, les modifications de ces aspects chez le chien se voient à l’intérieur des deux premières semaines et parfois aussi suite à une augmentation de la dose de médicament, mais rapidement, les problèmes d’effets secondaires se règlent. À long terme, Marion nous rassure qu’il n’y a aucun effet secondaire. S’il y en a, c’est que c’est la mauvaise dose ou la mauvaise drogue pour l’animal, et à ce moment-là il faut changer.
29:42 : J’aborde le fait qu’il y a beaucoup de tabous encore au sujet de la médication chez les chiens, car les gens ne sont pas très au courant de la santé mentale (chez les chiens et les humains!). Car ce dont on parle, c’est bien de la santé mentale chez les chiens! J’ai beaucoup de clients qui me disent: «Ben non, je ne vais pas médicamenter mon chien!»
Pour aborder le sujet, Marion, dans ses cours à l’université, demande à ses étudiants s’ils/elles pensent que leurs parents mettraient leur chien sous antidépresseurs. Et s’ils/elles disent non, pourquoi? Elle explique que les gens refuseraient parce qu’ils pensent que ce sont des médicaments qui vont endormir le chien. Mais les médicaments qu’elle utilise en médecine du comportement n’endorment pas les animaux, à moins de cas très particuliers de sédation post-opératoire, par exemple. Si les antidépresseurs qu’on utilise à long terme pour le comportement, endorment le chien, c’est que c’est la mauvaise dose. Certaines personnes pensent également que la médication va changer la personnalité du chien, mais c’est plutôt le contraire nous dit Marion. Parce qu’un chien qui est terrorisé 23 heures sur 24, il n’exprime pas sa personnalité. La médication va leur donner une chance de montrer leur personnalité sous un meilleur jour et d’être beaucoup plus confortable. L’objectif, c’est vraiment d’améliorer la qualité de vie.
31:41 : Elle ajoute que certaines personnes ont un problème avec les antidépresseurs, même pour les humains et qui n’acceptent pas cela, qui ne comprennent pas cela. Elle pense sincèrement que cela vient du fait que la santé mentale est encore très mal expliquée et mal comprise. Elle croit que lorsque les gens ont vécu un problème de santé mentale, ils comprennent, mais pour les gens qui n’ont jamais vécu ce genre de difficulté, ceux-ci perçoivent la prise de médication comme une faiblesse. Selon eux, on pourrait plus facilement contrôler nous-même ce que contrôle la médication, alors que parfois, ce n’est pas du tout possible.
Marion, en tant que vétérinaire, aime beaucoup utiliser les animaux pour montrer aux gens ce qu’est la santé mentale. Elle considère problématique l’opposition que l’on fait trop souvent entre la santé mentale et la santé physique. Pour elle, il n’y a rien d’ésotérique à cela, car elle peut expliquer comment tout cela fonctionne dans le cerveau, même si c’est très très compliqué.
32:37 : Ce qu’elle aime mettre en lumière, c’est par exemple de montrer aux gens qu’une drogue aussi simple que la trazodone, un médicament de la famille des antidépresseurs que l’on utilise des fois pour tranquilliser un peu les chiens, va induire de l’agressivité même chez le plus gentil des beagles s’il est administré par voie intraveineuse. Sa logique est la suivante: si elle est capable d’induire de l’agression avec des médicaments, ça veut bien dire qu’il se passe quelque chose au niveau de la chimie du cerveau. Donc si elle est capable de le provoquer avec un médicament, elle est capable de le soigner avec un médicament.
33:31 : Quand on se rend compte que les animaux eux aussi souffrent d’anxiété ou de troubles obsessionnels compulsifs, que l’on appelle seulement «troubles compulsifs», ça montre bien que les gens ne présentent pas les comportements associés à ces troubles parce qu’ils ont des problèmes «psychologiques». Ça démontre que ce sont des problèmes qui se perpétuent. Ce sont des loops dans le cerveau, comme aime appeler Marion, qui se mettent en place. De plus, maintenant, on sait très bien décrire tout ça.
Pour Marion, si on peut soigner ces troubles compulsifs chez les animaux, pour aider à rendre meilleure leur qualité de vie, eh bien il faut comprendre que les humains qui présentent ces troubles (p. ex., s’arracher les cheveux ou se ronger les ongles) ne sont pas juste des faibles qui devraient faire du sport pour aller mieux…
34:29 : Je suis d’accord avec elle, c’est clairement au-delà de notre volonté parfois.
Elle croit que plus on comprend ce genre de mécanismes, plus on arrive à les prévenir. Entre quelqu’un qui est dans un état «normal», qui va «bien», et quelqu’un qui est en dépression profonde, le temps que cette personne-là passe d’un état à l’autre, il y a toute une période, toute une phase durant laquelle les neurotransmetteurs vont se débalancer. Elle ajoute qu’en effet, au début de cette phase-là, on pourrait être capable de rebondir avec seulement une thérapie comportementale, c’est-à-dire de se donner un coup de pied aux fesses et de se dire «ok, ok, je ne vais pas aller au fond du trou, je vais me remonter.»
Toutefois, une fois qu’on est au fond du trou, nous dit-elle, et que nos neurotransmetteurs sont complètement effondrés, on ne peut pas remonter seul. De la même façon qu’un chien qui est terrorisé par les feuilles mortes, même si on le fait dormir dans un lit de feuilles mortes, ne va pas s’améliorer. On pourrait bien lui donner des saucisses dans les feuilles mortes, il ne sera pas capable de les manger, parce qu’il est allé trop loin dans le débalancement de ses neurotransmetteurs.
35:32 : Marion croit que les gens qui ne comprennent pas cela confondent probablement la petite déprime d’un matin où on ne se sent pas bien et l’état de dépression sévère, où les neurotransmetteurs sont très affectés. Elle croit que plus on va l’expliquer en des termes médicaux, moins il y aura de jugement. Son cheval de bataille à elle, c’est l’agression chez le chien. Pour encore beaucoup de vétérinaires, un chien agressif est un chien qui doit être euthanasié. Elle est d’accord que cela est une option, surtout s’ils sont dangereux, car c’est en effet un problème de santé publique. Mais pour elle, si le propriétaire est très attaché à son chien, et que le chien n’est pas du tout agressif avec lui, mais que dans un contexte vraiment particulier il va montrer de l’agressivité, on peut vraiment travailler avec ces chiens-là plutôt que de les éliminer.
Marion nous explique que lorsqu’on comprend comment l’agression se déclenche dans le cerveau de l’animal, on peut la traiter et essayer de la prévenir au maximum. Il existe une tonne de débalancements dans le cerveau, sauf que c’est un petit plus compliqué que de doser du sucre dans le sang. Avec le diabète, si on a trop de sucre dans le sang, on donne ensuite de l’insuline, et ça rebaisse, ç’a l’air simple. En fait, c’est beaucoup plus compliqué, mais au moins, on est capables de le démontrer d’une façon simple, même s’il est impossible de doser la sérotonine dans le cerveau, parce qu’encore une fois, ce sont des voies, des autoroutes qu’on tente de créer. Lorsque le chien fait de mauvais comportements, ce sont donc des mauvaises autoroutes et puis il va falloir les rechanger. C’est là que, dépendamment de l’espèce en question et du problème de comportement, il reste qu’il y a autant de solutions qu’il y a de problèmes.
37:13 : J’ajoute qu’il y a de l’éducation à faire pour parler de la prévention et puis il faut connaître le langage canin un minimum pour identifier les signes précurseurs sur le long terme. Ça, c’est notre travail. Mais j’ajoute qu’il ne faut surtout pas oublier que le chien, dans tout ça, est souffrant. En tant qu’éducatrice canine, c’est une information que je tente de transmettre aux gens, qui parfois ne s’en rendent pas compte.
Marion me répond qu’elle a plusieurs types de clients et que souvent les gens qui viennent la voir se blâment eux-mêmes pour l’état de leur chien. Elle leur enlève un peu de responsabilité et en enlève aussi au chien, car effectivement c’est lui qui souffre le plus. Il ne fait pas exprès d’avoir peur de tout ce qui se passe. Au départ, il faut déjà comprendre que le chien a peur, qu’il n’est pas bien, et qu’il ne veut pas contrôler le monde… Parfois, on pense à tort que nos chiens veulent tout contrôler et qu’ils défendent leur territoire, alors qu’en fait, si c’était juste de la défense ou du contrôle, ou encore si c’était leur personnalité le problème, on ne pourrait pas soigner ça avec des médicaments et des thérapies comportementales, car ça ne changerait pas.
Pour elle, cela montre bien que si elle donne des médicaments qui affectent les voies de la peur et que le chien ne fait plus le comportement parce qu’il n’a plus peur, que c’est que le chien avait en effet peur et qu’il voulait se protéger. Ce qui lui tient à cœur en éduquant les gens, c’est que la qualité de vie des chiens et des propriétaires soit meilleure: pas que le chien soit parfait, mais qu’il soit bien, à tout le moins.
39:08 : Je trouve que malgré tout, il y a une belle évolution dans le milieu, beaucoup de choses changent positivement au niveau des chiens et qu’on ne peut que s’en réjouir.
Je remercie chaudement Marion de m’accorder cette entrevue, j’ajoute que j’aime beaucoup sa façon d’expliquer les choses, qui est très imagée pour les gens. Je suis certaine que beaucoup de gens qui vont regarder cette entrevue (en France, en Europe et au Québec) et à qui je dis: «Partagez cette entrevue, car c’est tellement fantastique d’apprendre mieux ce côté «pathologique» chez le chien, qui influe sur le comportement!». Ses images, donc, parlent pour nous, pour les gens qui ont des chiens et qui n’ont pas toujours les connaissances scientifiques avec «les grands mots», si je peux me permettre de m’exprimer ainsi.
40:08 : Pour terminer, je demande à Marion quel est le conseil le plus important qu’elle donnerait aux propriétaires de chiens qui ont des problèmes de comportement assez importants et qui ne savent plus quoi faire.
Elle me répond sans hésiter que c’est d’abord et avant tout important de trouver la bonne personne pour les aider, et cela n’est pas toujours facile. Il est important de savoir qu’il y a des ressources. Un bon éducateur va savoir quand il faut consulter un vétérinaire ou pas, ce qu’on peut faire, ce qu’on ne peut pas faire. La personne qui leur faut, selon Marion, ce n’est pas nécessairement le champion du monde d’agilité. Ce n’est pas parce que quelqu’un est capable de faire faire des trucs extraordinaires à un chien que c’est la bonne personne pour aider ces gens-là. Il faut qu’ils trouvent quelqu’un avec qui ils se sentent bien, qui a la même philosophie qu’eux pour aider leur chien, qui va évidemment travailler de la bonne façon, et qui va peut-être les référer à un vétérinaire comportementaliste.
41:45 : Elle aimerait que cette personne-là soit le vétérinaire. Ce devrait être le vétérinaire qui dit aux clients: «Ah, ici, je crois que c’est plutôt un petit problème d’éducation» et qui va les référer à un éducateur canin en renforcement positif, par exemple. Elle aimerait que sa profession soit «parfaite», mais elle dit admettre que tous ne sont pas formés de la même manière, bien qu’elle travaille fortement là-dessus à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
J’ajoute que c’est important que les clients se sentent en confiance et qu’ils aient les mêmes valeurs que l’éducateur avec qui ils traitent les problèmes de leur chien.
Marion raconte que ses pires patients, qui sont les plus difficiles parfois, c’est quand les gens ont laissé leurs chiens pendant, par exemple, deux semaines en «rééducation». «Ça, c’est une catastrophe.»
43:02 : Elle nous donne plusieurs conseils… elle en a plein, car elle voit tellement de gens désespérés (parce que les gens qui viennent la voir en sont la plupart du temps à leur dernier recours).
Ce qu’il ne faut pas faire, nous dit-elle, c’est de laisser son chien à quelqu’un d’autre. «Un bon éducateur, il va vous apprendre à faire les choses avec votre chien, vous! Il peut vous le montrer avec votre chien, mais ce qui est important, ce n’est pas que l’éducateur soit capable de le faire, mais bien que vous vous soyez capable de le faire. Et puis le plus difficile à comprendre, c’est que le chien, quand il est avec l’éducateur, c’est comme un enfant, il a un peu peur, il est gêné, il ne va [donc] pas se comporter pareil.»
Ce n’est pas nécessairement parce que l’éducateur est meilleur. C’est peut-être parce que l’état émotionnel du chien fait en sorte qu’il est terrorisé et qu’il fasse les ordres parce qu’il doit les faire. On veut que le chien soit bien. Donc, on veut un chien qui va travailler avec son propriétaire. Il y a des gens qui s’entendent mieux avec certains éducateurs et pas d’autres. Elle pense donc qu’il faut trouver quelqu’un avec qui on s’entend bien, avec qui on a les mêmes valeurs comme je l’ai souligné plus tôt et qui va être assez professionnel pour savoir où référer et quand le faire. Car c’est une relation qu’on établit pour travailler avec le chien.
44:20 : Je trouve intéressant qu’elle amène cet aspect-là, à savoir que c’est le propriétaire qui est en relation avec son chien et qui doit apprendre à travailler avec lui. Parce que nous, en tant qu’éducateurs/éducatrices, ça ne sert à rien qu’on fasse quelque chose de notre côté avec le chien, c’est véritablement le propriétaire qui doit apprendre à créer la relation et travailler adéquatement pour que son chien soit bien. Je simplifie, mais dans le fond, c’est ça.
Je me sens vraiment honorée que Marion ait accepté ma demande d’entrevue! C’est un monde à découvrir, parce qu’on le sait, il y a vraiment peu de vétérinaires comportementalistes au Québec. Je lui dis que j’espère que ce nombre va augmenter, parce qu’il y a des grands besoins, comme elle me l’a dit, il y a des listes d’attente incroyables, et sa profession est extrêmement importante et aidante pour nous. Pour tout le monde, en fait.
Marion me remercie et me dit que de toute façon, on travaille en équipe, que les vétérinaires ne font rien sans les éducateurs et vice versa. Le plus important c’est que le message se passe le plus possible!
Je dis au revoir à tout le monde, merci d’avoir été là, et à la prochaine entrevue!
1 réflexion sur “Médicamenter son chien stressé, oui ou non? Entrevue avec Marion Desmarchelier, vétérinaire comportementaliste”
Vraiment très intéressant !
La médecine comportementale devrait être enseignée à juste titre que toute les autres matières à la faculté de médecine vétérinaire. Au Québec, nous avons beaucoup de chiens qui génétiquement ont des problèmes.
Est- possible de rencontrer Dr Desmarchelier ?
Merci pour l’entrevue 🙂