Le toilettage comportemental, c’est quoi? Entrevue avec Yanick Dion de L’Art au Poil

Connaissez-vous le toilettage comportemental? Dans cette entrevue, je rencontre Yanick Dion, qui a créé l’entreprise L’Art au poil. Son but? Faire diminuer, voire faire disparaître le stress vécu par les chiens durant les séances de toilettage. Si c’est pas une belle mission, ça!

Description de la vidéo

Ne manquez pas mon bêtisier et aussi la transformation de 2 chiens en toilettage comportemental à la fin de l’entrevue!

Début : Dans cette nouvelle entrevue, je suis fière de vous présenter un de mes collègues pour qui j’ai fait des kilomètres afin que vous le connaissiez, j’ai nommé Yanick Dion!

Aujourd’hui, on parlera, entre autres, de toilettage comportemental et de L’Art au poil, la compagnie de Yanick. Tout d’abord, il se présente: copropriétaire de l’école de toilettage L’Art au poil avec sa collègue Marie-Claude Desbiens, ils ont débuté il y a de cela 13 ans maintenant.

Tout a commencé très simplement, alors que Marie-Claude était venue faire entraîner son petit chien, Jack, chez Yanick (Yanick est éducateur canin). Les méthodes sans contraintes pour les chiens, sans intimidation et en renforcement positif ont tout particulièrement plu à Marie-Claude.

À ce moment-là, elle travaillait déjà dans le domaine du toilettage, mais davantage du côté de la livraison et de la vente de matériel. Elle donnait aussi de la formation pour des spécialisations en toilettage, elle-même étant toiletteuse.

Elle se promenait d’un salon à l’autre, sur la route, et avait remarqué que les toiletteurs manquaient trop souvent d’outils pour bien traiter les chiens, utilisaient la force, la contention ; et finalement, ne faisaient que les stresser davantage. Elle a donc approché Yanick pour lui demander s’il pensait qu’ils pourraient, ensemble, trouver des solutions à ces problèmes de gestion de comportement dans les salons de toilettage.

2:44 : J’ajoute qu’en effet, le toilettage, c’est très stressant pour les chiens, parce qu’ils sont longtemps sur une table, ils sont contentionnés. Il y a aussi le séchage, le lavage, la coupe des poils, des griffes, etc., je comprends donc pourquoi Marie-Claude a cru pertinent d’approcher Yanick pour remédier à cette situation.

Yanick complète en disant que le toilettage, c’est beaucoup de comportements à gérer en un petit laps de temps, encore plus que chez le vétérinaire, parce que ça dure un peu plus longtemps, et que les chiens y vivent différentes sensations. Il y a le vent, il y a l’eau, il y a les bruits, la vibration du rasoir, la prise de pattes pour couper les griffes, ça fait donc en sorte que le chien est exposé à de nombreux stimuli, c’est normal qu’il soit nerveux, apeuré, puisqu’il ne sait pas nécessairement consciemment ce qui va se produire.

3:43 : Il y a 13 ans donc, Yanick s’est assis avec Marie-Claude et une feuille remplie de questions pour essayer de voir ce qui pouvait ressortir de tous ces enjeux. Au début, ils ont commencé avec des conférences. Rapidement, ils se sont butés à une certaine résistance de la part des toiletteurs, qui leur communiquait que dans la réalité, en tant que toiletteur, « on a des rendez-vous un à la suite de l’autre. »

C’est suite à ce commentaire qu’ils se sont mis à former des débutantes, en leur montrant comment travailler en renforcement positif et comment l’appliquer. Comme les personnes nouvellement formées ne connaissaient pas autre chose, elles ont commencé à appliquer ces méthodes dans leurs commerces, et ç’a fonctionné. Les toiletteurs d’expérience se sont alors mis à venir suivre les formations et ils se sont ajustés à la demande des gens.

4:44 : On dit toilettage comportemental car ça concerne le toilettage, mais ça comporte beaucoup beaucoup de comportement. Le toilettage comportemental, ça veut dire de travailler dans le respect des limites du chien, ça demande d’être capable de bien lire le langage canin, ça demande d’avoir des outils d’entraîneurs, des outils au niveau de la science du comportement, parce qu’ils ont de la modification de comportement à faire aussi. Toujours dans une optique de réduction de stress chez le chien. Aujourd’hui, dit Yanick, on fait beaucoup de force free, ce qui veut dire qu’on travaille avec le chien sans lui imposer de restrictions. Les chiens sont contents de venir nous voir au salon, parfois ils tirent même sur leur laisse pour pouvoir y entrer plus vite et dès qu’ils sont entrés, ils vont sauter sur la table de toilettage! Ça devient même problématique parfois, parce que le chien, tout ce qu’il veut, c’est être sur la table. Ils sont alors obligés de monter la table pour que le chien n’y ait plus accès! Mais dans le fond, c’est un beau problème, affirme Yanick.

5:43 : Yanick nous dit que les chiens sont motivés et de bonne humeur, que leurs méthodes donnent des résultats très positifs. Donc de fil en aiguille, via un contact français, Marie-Claude et lui ont commencé il y a 5 ans à donner de la formation en France ; ils ont aussi des contrats aux États-Unis et en Italie qui s’en viennent. Ils offrent aussi désormais des cours théoriques en ligne pour les personnes qui ne pourraient pas nécessairement se déplacer. C’est avec surprise et plaisir qu’ils ont constaté que la formule de cours en ligne était elle aussi gagnante, car des gens de l’Italie, de la Belgique, de la Suisse se sont récemment ajoutés au cursus de cours théorique: « ça grossit, ça grossit », nous dit Yanick avec un sourire.

6:40 : Je lui fais remarquer qu’ils sont les premiers à prendre cette initiative. Yanick me répond qu’effectivement, ils sont les premiers, mais que cela va de pair avec un phénomène de société selon lui. Il observe un changement dans le monde, une nouvelle conscience de société par rapport au bien-être des animaux. Les gens demandent de plus en plus comment bien agir envers leur animal, les vétérinaires aussi changent leur façon de travailler. Dans le même but, c’est-à-dire modifier les comportements, réduire le stress et travailler dans le respect du chien. Yanick a aussi créé un volet vétérinaire pour ceux et celles qui pratiquent déjà en médecine animale, mais qui aimerait se former en comportement. Travailler avec la motivation, nous dit Yanick, ça devient intéressant pour le chien lui aussi.

7:19 : Étant donné l’aspect innovateur de leur projet, Yanick et sa collègue ont également pensé à expliquer comment amener ces nouvelles méthodes aux clients, en termes plus marketing. Souvent, les clients vont s’attendre à un toilettage régulier, mais avec le plus que le toiletteur sera gentil avec le chien.

Pourtant, c’est beaucoup plus que ça. Cela va bien au-delà de donner des bonbons et d’être gentil, parce qu’il y a des techniques d’entraînement, il y a l’observation du chien. On parle aussi dans la formation de tout l’aspect neuroscientifique, c’est-à-dire les hormones que le chien va sécréter quand il est en attente, quand il consomme la récompense et surtout, comment on joue avec ça, afin d’augmenter la motivation du chien au maximum. Yanick nous dit: « Un coup qu’on a la motivation, le chien nous en donne. C’est pour ça que le renforcement positif devient hyper intéressant, ça fait des chiens qui ont envie de se faire toiletter. »

8:30 : J’ajoute qu’ils sont alors motivés à « participer à leurs propres soins ». Yanick répond qu’il appelle ça « participer au jeu de TCAP »: Toilettage Comportemental Art au Poil. C’est un nom enregistré, le logo est enregistré, parce qu’ils font aussi des certifications. Quand les étudiantes ont suivi la formation théorique, la formation pratique, qu’ils ont passé leur examen, qu’ils ont envoyé leurs vidéos afin de vérifier s’ils travaillent vraiment éthiquement, ils obtiennent leur certification.

9:13 : Je résume ce dont nous venons de parler en rappelant que L’Art au poil est une école de toilettage, mais aussi de comportement. Yanick et Marie-Claude forment donc des toiletteurs en TCAP, comme des éducateurs canins et des vétérinaires. Dans le volet éducation, Yanick ajoute qu’ils offrent aussi un cours pratique où ils travaillent avec des Alpagas, des moutons, des chèvres, toutes sortes d’animaux, parce que de se familiariser avec une espèce inconnue permet également de sortir de notre zone de confort: ne pas pouvoir anticiper ce que l’animal va faire rend possible l’identification d’un comportement, et non de mettre une étiquette et de supposer des choses.

10:25 : Yanick rappelle qu’il est important de s’ajuster selon l’espèce avec laquelle on travaille. Travailler avec un alpaga, qui a besoin de beaucoup d’espace, ça oblige à s’approcher avec une délicatesse extrême, alors qu’avec une chèvre, par exemple, c’est beaucoup plus facile. Dans tous les cas, c’est l’adaptation à chaque animal qui prime. La théorie et la pratique, rappelle-t-il, c’est différent.

11:02 : Je suis d’accord avec lui: j’ajoute que malgré la théorie, tout le monde n’est pas nécessairement capable de passer à la pratique sans accompagnement. Yanick me répond à la blague: « En théorie, la théorie est comme la pratique, mais en pratique, elle ne l’est pas. » Il rappelle qu’en pratique, il y aura des imprévus, ils apprennent donc aux étudiants à se faire des plans bien structurés et à les réviser selon les contingences du moment.

12:04 : J’ouvre une petite parenthèse pour parler de « Poule Académie », que Yanick a créé avec Jean Lessard, un de mes deux mentors. Je trouve ça intéressant pour apprendre à travailler avec un animal que l’on connaît sans connaître. Elle réagit beaucoup plus vite qu’un chien et un chat, cela nous pratique donc à être chronométrés et très précis dans notre travail d’entraîneur.

Yanick me répond que la poule, nous la connaissons, mais seulement de vue! Une des particularités de la poule, c’est que si on renforce un comportement avec elle, mais que ce n’était pas le bon, on est un peu coincés avec. Ça se corrige, dit-il, mais ça demande d’être plus à l’affût, car c’est beaucoup moins malléable que des chiens et des chats en termes de comportement.

13:22 : Je lui demande comment ça se passe concrètement quand on amène son chien au salon de toilettage? Par exemple, si j’amène mon chien qui ne supporte pas qu’on lui coupe les griffes? Je suggère l’idée de me fournir une vidéo pour montrer concrètement le travail en toilettage comportemental. (Vous pouvez voir la vidéo à .)

Je demande maintenant à Yanick de nous parler de l’Espace Canin Yandi, une autre entité qui fait tout de même partie de L’Art au Poil. Il nous raconte cette transition en nous disant que l’Espace Canin Yandi est un centre pour l’éducation, le toilettage et la pension, chez eux à St-Pie (en Montérégie, au Québec) et qui y est établi depuis 24 ans. Au début, le toilettage comportemental Art au Poil n’existait pas encore. Lorsque Marie-Claude et lui ont commencé avec le TCAP, ils l’ont introduit au commerce de l’Espace Canin Yandi. Il a donc fallu rééduquer les clients qui venaient pour le toilettage, leur expliquer quelle était désormais la nouvelle approche de l’entreprise et leur faire découvrir les nouveaux services offerts.

15:03 : Ils ont créé un petit jeu de TCAP pour rendre le toilettage intéressant pour le chien. Ce qui fait le plus plaisir à Yanick, c’est de travailler dans un environnement où il n’entend jamais des « non », « hey », « arrête », mais plutôt des louanges, des « bon chien », « bravo ». Il trouve que c’est de toute beauté. Ça aide également le toiletteur à aimer encore plus son travail que de travailler dans un endroit où le positif est ce qui est mis de l’avant.

Il ajoute que leur salon est un lieu zen. C’est plus que de donner des bonbons: c’est un tout, autant au niveau des techniques qui sont utilisées (neuroscience, renforcement positif, etc.), que l’aménagement et l’énergie de l’espace qui contribue grandement à minimiser le stress du chien et à le motiver à se faire toiletter.

16:46 : Je renchéris en disant que je suis certaine que les chiens retournent chez eux moins stressés et qu’ainsi leur comportement doit aussi s’améliorer à la maison. Yanick répond qu’en effet les gens voient vraiment une différence avec les autres expériences de toilettage. Car malheureusement, cela constitue souvent un traumatisme pour certains chiens et rentrent à la maison pour se cacher pendant de longues journées. Lorsque les chiens ressortent de L’Art au poil, c’est plus positif ; ils ont hâte de revenir et sont beaucoup moins anxieux. C’est positif pour le chien et pour son propriétaire.

17:36 : Je reviens avec ma question posée précédemment: comment ça se passe concrètement quand on amène son chien au salon de toilettage? Je suppose que les gens pensent que, parce qu’il y a une approche comportementale, ça va être ben-ben-ben plus long qu’un toilettage régulier. Et je reparle de la problématique de la coupe de griffes, qui est le cauchemar de beaucoup de propriétaires de chiens!

Yanick explique que dans la formation, ils parlent beaucoup des sens. Et il me demande: «Au niveau du toucher, sais-tu où les chiens sont le plus sensible?» J’ose une réponse ; l’intérieur des pattes? Yanick répond: «Le bout des pattes et le visage. Et qu’est-ce qui est le plus difficile en toilettage?» Je réponds en riant: «Les griffes, les dents, les oreilles…» Yanick conclue en disant que c’est pour ça qu’il est important de comprendre le chien.

18:25 : Donc, pour en revenir au déroulement concret du toilettage comportemental, Yanick explique qu’ils ont différents programmes. Il y a des programmes chiots, ça c’est le plus intéressant, parce qu’ils partent directement le chiot en TCAP, c’est un programme de 4 rencontres d’une heure qui sont là pour habituer justement le chiot au toilettage. Ça permet aux toiletteurs aussi de faire une évaluation pour voir où le chien a un peu plus de difficulté et où il a plus d’aisance. Ils entament donc un travail de désensibilisation là où le chien rencontre plus de difficultés, pour bien le «partir», finalement.

19:05 : Il y a aussi un programme « Papi-Mami » pour les vieux chiens, qui tient compte des douleurs qu’ils peuvent avoir. Dans ces cas-là, il est important d’avoir le matériel nécessaire pour toiletter ces chiens en TCAP, par exemple des tables qui descendent très bas.

Il y a aussi les chiens qui aiment déjà se faire toiletter et avec qui c’est facile, donc ils les renforcent dans leurs bons comportements.

19:32 : Puis, évidemment il y a les fameux chiens à problèmes. Yanick donne l’exemple classique:  « Le petit Shih-tzu, il a trois ans, il va au toilettage, il n’aime pas ça, il a été forcé, et parce qu’il a été forcé, il s’est mis à prendre le toilettage en aversion de plus en plus. Un moment donné, il s’est mis à avoir peur, parce que c’était de plus en plus intense pour lui, il s’est mis à donner des signaux d’agressivité, et puis, le toiletteur ne veut plus le faire, il l’envoie à un autre, qui l’envoie à un autre, puis à un autre… » La personne devient donc « barrée » de sa région, et lorsqu’elle demande des conseils au vétérinaire, il la réfère à L’Art au poil, et là l’équipe prend le chien en charge.

20:12 : À ce moment-là, Yanick et son équipe vont entamer un processus de désensibilisation à partir des capacités de l’animal. Il y a des chiens où la transformation peut se faire rapidement, et il y en a d’autres où ce sera plus long. Ils ne peuvent jamais le savoir d’avance.

Yanick nous raconte une histoire de chien agressif envoyé par le vétérinaire: un boxer de neuf ans dont les griffes étaient tellement longues qu’elles tournaient… Le chien voulait manger tout le monde, il portait une muselière et personne n’était capable de le contrôler. Yanick a accepté de le considérer comme une urgence (malgré que ce problème n’était pas apparu deux jours plus tôt!) et le voir aux deux jours. Eh bien en deux semaines, ils avaient un chien qui embarquait sur la table de toilettage tout seul et qui donnait la patte pour se faire couper les griffes. Il ajoute que parfois, comme avec ce chien, c’est très rapide, parfois c’est plus long, ça dépend.

21:23 : J’ajoute que je trouve ça fantastique, mais qu’en effet, il faut être patient. Chaque chien est différent. Yanick nous raconte qu’en tant que toiletteur comportemental, en posant des questions aux clients, il se rend compte qu’il y a d’autres problématiques dans le quotidien qui ont un lien indirect avec le toilettage. Ça leur permet alors de référer leurs clients à des éducateurs canins, ou si le cas est grave, au vétérinaire comportementaliste. Au même titre que si le chien a un problème de santé, ils vont le référer au vétérinaire. Cela fait une belle chaîne d’entraide: l’éducateur canin voit que le chien a de la difficulté au toilettage, il réfère alors le client vers quelqu’un qui est spécialisé en TCAP, il peut aussi se rendre sur le site artaupoil.com pour avoir la liste des toiletteurs en certification et certifiés. Yanick ajoute qu’il veut faire une belle équipe avec ses collègues dans une optique d’entraide et que leur objectif principal, c’est le bien-être des animaux: « Ça nous tient à cœur, ce n’est pas un métier qu’on fait, c’est une mission de vie. »

23:19 : Je lui demande comment ils voient leur avenir chez L’Art au Poil? Ont-ils une vision de leur entreprise dans le futur?

Yanick me répond simplement qu’ils se laissent bercer avec ce qui arrive, puis qu’ils s’adaptent. Ils n’ont pas d’objectifs précis à atteindre de plus que ce qu’ils font déjà, leur objectif, il le répète, c’est le bien-être des animaux, et c’est ce qu’ils veulent propager le plus possible. C’est pour ça qu’ils se promènent un peu partout, qu’ils ont commencé à faire des cours en ligne, pour justement, toucher plus de gens.

24:34 : Je dis à Yanick combien je suis une «fan» inconditionnelle du toilettage comportemental car je vois tellement de chiens stressés sur les tables de toilettage! Et que je trouve leur mission merveilleuse de pouvoir aider les toiletteurs qui veulent aller plus loin dans la pratique de leur métier.

Et Yanick ajoute que de leur côté, ils se tiennent constamment à jour et sont continuellement en formation, pour peaufiner, améliorer leurs méthodes et aller chercher de nouveaux outils, car dans le monde du comportement animal, ça avance très vite…

Je remercie Yanick de m’avoir accordé cette entrevue. J’espère que de votre côté vous avez maintenant une meilleure idée de ce que peut être le beau métier de toiletteur et ce que signifie le toilettage comportemental.

26:11 : Vidéo avant/après de Romie et Roméo en toilettage comportemental. Une histoire d’amour avec Marie-Claude!

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